Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu dimanche chef du parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir après presque trois ans d'absence, comme prévu par la révision constitutionnelle adoptée par référendum le 16 avril.
Recep Tayyip Erdogan avait officiellement coupé ses liens avec l'AKP (islamo-conservateur) lorsqu'il avait été élu président en août 2014, comme le prévoyait alors la Constitution.
Seul candidat
Mais avec l'entrée en vigueur d'une première mesure figurant dans la récente révision constitutionnelle, il a pu réintégrer ce parti début mai et en briguer la présidence dimanche, au cours d'un congrès extraordinaire.
«Avec 1.414 voix, notre chef fondateur a été choisi comme président», a déclaré Hayati Yazici, vice-président de l'AKP, après le dépouillement des suffrages des délégués du parti réunis à Ankara.
Seul candidat, M. Erdogan était certain d'être élu à la tête de l'AKP qu'il a cofondé en 2001 et qu'il avait dirigé lorsqu'il était Premier ministre, entre 2003 et 2014. Des dizaines de milliers de personnes étaient arrivées de toute la Turquie pour assister à l'événement organisé sous haute sécurité dans un stade de la capitale.
«Ce congrès est un nouveau départ», a déclaré M. Erdogan à l'annonce de sa victoire. «De la lutte contre le terrorisme à l'économie, de l'extension des droits et des libertés aux investissements, dans chaque domaine, la période à venir fera faire un bond à la Turquie». Le président turc succède à son Premier ministre, Binali Yildirim, qui dirigeait l'AKP depuis 2016.
Mais ce parti, qui domine depuis 15 ans la scène politique turque, remportant toutes les élections depuis 2002, a annoncé samedi qu'un poste de vice-président serait créé et confié à M. Yildirim.
«À nouveau réunis»
«Nous voilà à nouveau réunis», a déclaré M. Erdogan en arrivant au congrès, devant une foule brandissant des écharpes à son effigie et des drapeaux turcs ou portant une ampoule, emblème de l'AKP. «D'ici à la fin de l'année, nos institutions seront profondément renouvelées», a-t-il ensuite assuré.
Redevenir chef de parti permettra à Recep Tayyip Erdogan de mettre fin aux rivalités internes et de préparer les prochaines élections, locales en mars 2019, puis législatives et présidentielle en novembre de la même année.
Ainsi, M. Erdogan «aura officiellement l'autorité pour déterminer qui briguera des mandats sur les listes AKP», explique Aykan Erdemir, de la Fondation pour la Défense de la démocratie dont le siège est à Washington, précisant toutefois que M. Erdogan avait gardé ce rôle «officieusement» après avoir quitté le parti en 2014. «Erdogan veut s'assurer qu'il a suffisamment de loyalistes au Parlement pour éviter toute tentative de le destituer», ajoute Aykan Erdemir.
L'état d'urgence maintenu
Erdogan retrouve la tête de son parti à un moment où la Turquie est sous forte tension, avec le putsch manqué du 15 juillet qui a été suivi de purges sans précédent, et les difficultés croissantes avec l'Occident.
Il a ainsi appelé dimanche l'Union européenne à «prendre une décision». «Nous n'avons aucune obligation d'être patient face à l'attitude hypocrite de l'UE», a-t-il affirmé. Le processus d'adhésion de la Turquie est au point mort depuis plusieurs années et les relations entre Ankara et Bruxelles, déjà tendues depuis le coup d'Etat avorté, se sont encore aggravées pendant la campagne pour le référendum constitutionnel.
Le président affirme par ailleurs que l'état d'urgence, en vigueur depuis la tentative de putsch, «ne sera levé que lorsqu'il y aura de la paix et de la prospérité».
Hyperprésident
M. Erdogan a remporté le 16 avril le référendum sur la révision constitutionnelle avec 51,41% des voix, une courte majorité contestée par l'opposition qui dénonce des irrégularités.
Signe des tensions qui subsistent autour de ce scrutin, la police a dispersé dimanche à coups de matraque et de gaz lacrymogène une centaine de personnes qui manifestaient à Istanbul pour contester la légitimité des résultats du référendum et le congrès de l'AKP qui se déroulait à Ankara, a constaté une journaliste de l'AFP.
Une réforme nécessaire pour assurer la stabilité du pays selon la majorité, mais vivement critiquée par l'opposition qui y voit une dérive autoritaire de M. Erdogan.