Le gouvernement de Donald Trump a de nouveau défendu lundi devant la justice américaine son décret migratoire très controversé, face à des magistrats semblant douter de l'opportunité du texte et s'inquiétant de la rhétorique anti-musulmane de l'homme devenu président.
Ce nouveau rendez-vous judiciaire s'est déroulé sur la côte ouest des Etats-Unis, devant trois juges de la cour d'appel de Seattle. Ce tribunal avait été saisi par l'administration Trump après qu'un juge de Hawaï a suspendu le 15 mars la seconde mouture du fameux décret. «Le président a-t-il renié ses déclarations de campagne?», a demandé le juge Michael Hawkins, en allusion à l'ancienne promesse du candidat Trump d'interdire aux musulmans l'entrée aux Etats-Unis, pays dont la Constitution prohibe pourtant la discrimination religieuse.
«Le président a clarifié qu'il parlait de groupes islamiques terroristes et des pays qui les hébergent ou les soutiennent, comme l'Etat islamique ou Al-Qaïda», a affirmé Jeffrey Wall, l'avocat du ministère américain de la Justice. Il y a une semaine, cette fois sur la côte est, ce juriste avait déjà défendu la plus controversée des mesures présidentielles, à Richmond, capitale de la Virginie. Cette cour d'appel fédérale avait également été saisie en appel par le gouvernement Trump.
Mais, à Richmond comme à Seattle, les opposants au décret ont semblé marquer des points en insistant sur la rhétorique présidentielle, avant ou après son entrée en fonction le 20 janvier. «Pas besoin d'être dans la tête du président, pas besoin d'être Sigmund Freud» pour savoir ce que Donald Trump pense des musulmans, a affirmé à la barre Neal Katyal, l'avocat de Hawaï, archipel faisant partie des Etats qui ont lancé des actions en justice contre le texte. Selon lui, le président Trump se garde bien de se désavouer sur la question.
L'exemple Bush
«Il pourrait par exemple dire ce qu'a dit le président (George W.) Bush après le 11 septembre (2001), que le terrorisme n'a rien à voir avec la religion musulmane, que l'islam n'est pas cela, que l'islam c'est la paix. En fait de quoi il dit que l'islam nous déteste», a martelé M. Katyal. Interrogé lundi sur la question, le porte-parole de la Maison Blanche a refusé de dire si Donald Trump avait l'intention de renier clairement ses déclarations sur les musulmans.
«La priorité du président est que l'on avance les bons arguments pour mettre en vigueur le décret d'interdiction», a assuré Sean Spicer. Cette question du rapport de M. Trump aux musulmans a occupé une bonne partie des 80 minutes de débats, au cours desquels Jeffrey Wall a répété le principal argument du gouvernement: les questions d'immigration et de sécurité nationale relèvent de la Maison Blanche.
Donald Trump veut fermer temporairement les frontières américaines aux réfugiés du monde entier et aux citoyens de six pays majoritairement musulmans: Iran, Libye, Syrie, Somalie, Soudan et Yémen. Selon lui ces mesures d'urgence sont "vitales" pour la sécurité nationale, un argument qui s'affaiblit au fil des jours se suivant sans attentat jihadiste aux Etats-Unis.
Le décret a fédéré un vaste front d'opposition, en première ligne duquel on trouve des Etats démocrates, notamment sur la côte ouest du pays où le président est particulièrement impopulaire. Parmi les détracteurs du décret figurent aussi des organisations de défense des réfugiés, des militants des libertés, des universités et des entreprises actives dans les nouvelles technologies, qui emploient beaucoup d'étrangers.
Fin janvier, la première version de ce décret avait provoqué une onde de choc dans le monde et un chaos dans les aéroports américains. Son application avait été suspendue le 3 février par un juge fédéral de Seattle, dans l'Etat de Washington. La seconde version du décret a elle été bloquée par des juges de Hawaï et de l'Etat du Maryland, dans l'est du pays.
Des deux cours d'appel ayant examiné l'affaire, celle de Seattle pourrait la première faire connaître sa décision, dans quelques jours ou quelques semaines. Il est probable que la partie perdante saisira alors la Cour suprême. Donald Trump l'a d'ailleurs lui-même promis, en ne prévoyant pas d'autre issue que la victoire finale.