Trois associations LGBT françaises ont déposé plainte pour «génocide» contre le président Ramzan Kadyrov, mardi devant la Cour pénale internationale. En cause, les persécutions commises en Tchétchénie contre les homosexuels, a annoncé leur avocat à l'AFP.
M. Kadyrov est «le logisticien» du «génocide», «l'organisateur de camps de tortures avec une volonté d'extermination des homosexuels», a déclaré Me Etienne Deshoulières, qui représente les associations Stop homophobie, Mousse et Comité Idaho France.
Selon Novaïa Gazeta, les autorités de Tchétchénie, où l'homosexualité est considérée comme un tabou, ont arrêté plus de cent homosexuels et incité leurs familles à les tuer pour «laver leur honneur». Toujours selon ce journal indépendant, au moins deux personnes ont été assassinées par leurs proches et une troisième est décédée des suites d'actes de tortures.
Kadyrov nie les accusations
Des homosexuels tchétchènes ayant fui à Moscou ont affirmé à l'AFP avoir été battus et détenus «dans une prison non-officielle», et vivre aujourd'hui la peur au ventre d'être identifiés et traqués par leur famille. «Ces actes ne sont pas le fait de groupes isolés, mais sont l'oeuvre des autorités tchétchènes, sous la direction de leur président, Ramzan Kadyrov», peut-on lire dans la plainte consultée par l'AFP.
Convoqué par le président russe Vladimir Poutine, M. Kadyrov a démenti toute exaction envers les homosexuels en Tchétchénie, qualifiant les articles de «provocateurs». Son porte-parole assure, lui, que les gays «n'existent pas» dans la république.
La Russie a notifié en novembre 2016 son retrait de la CPI, qui, d'après le statut de Rome, sera effectif un an plus tard, soit en novembre 2017. La Cour ne se saisit d'affaires que si les auteurs des infractions ne peuvent pas être poursuivis par les autorités nationales, soit que l'Etat concerné n'en a pas la volonté, soit qu'il n'en a pas la capacité.
Dans le cas russe, une enquête a été ouverte par le parquet général, mais les enquêteurs disent n'avoir reçu «aucune plainte officielle» de victime. La déléguée des droits de l'Homme auprès du Kremlin Tatiana Moskalkova, chargée de l'enquête sur les violences dénoncées en Tchétchénie, s'est en outre «déjà ouvertement prononcée contre 'le développement des relations homosexuelles'» et «a qualifié de 'rumeur' les exactions commises», note la plainte.
Mobilisation globale
«On a quotidiennement de nouvelles informations alarmantes sur la Tchétchénie», a déploré Alexandre Marcel, le président du comité Idaho France, pour qui la plainte devant la CPI était «le seul moyen de poursuivre» au niveau international «des comportements nazis».
La mobilisation contre la répression en Tchétchénie des homosexuels a été globale. Une ONG russe a établi une ligne d'urgence et tente d'évacuer les victimes. Elle aurait déjà sauvé une quarantaine de personnes. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont lancé le hashtag #Kiss4LGBTQrights, où ils partagent des photos de baisers homosexuels pour afficher leur soutien aux personnes ciblées par les autorités tchétchènes. À Londres, des manifestants ont investi les rues de la capitale britannique après les révélations de Novaïa Gazeta.
Début mai, dix-huit militants LGBT ont été arrêtés à Saint-Pétersbourg, alors qu'il dénonçait la passivité du gouvernement russe face aux actions tchétchènes.