La participation du ministre turc des Affaires étrangères à un meeting électoral dimanche à Metz, en pleine tension entre la Turquie et plusieurs pays européens, a provoqué de nombreuses critiques, provenant notamment de la droite et du Front national, alors que le gouvernement plaidait pour «l'apaisement».
Refoulé des Pays-bas la veille, le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu s'est exprimé dans l'après-midi devant un millier de membres de la communauté turque de l'est de la France. Il est venu plaider pour l'adoption du projet de révision constitutionnelle renforçant les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, qui sera soumis à référendum le 16 avril en Turquie.
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Dans le public, nombre de spectateurs brandissaient des drapeaux turcs pour ce rassemblement prévu depuis plusieurs semaines. La participation de ministres turcs à ce type de meetings a donné lieu ces dernières semaines à des passes d'armes entre Ankara et plusieurs capitales européennes. Pour le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, «en l'absence de menace avérée à l'ordre public, il n'y avait pas de raison d'interdire cette réunion qui, au demeurant, ne présentait aucune possibilité d'ingérence dans la vie politique française».
La droite et l'extrême droite condamne la venue du ministre
Vive réaction en revanche de François Fillon, candidat de la droite à l'élection présidentielle, qui a accusé le chef de l'État, François Hollande, de rompre «de manière flagrante la solidarité européenne». «Il est évident qu'une position commune aurait dû prévaloir pour gérer les demandes turques. Le gouvernement français aurait dû empêcher la tenue de ce meeting», affirme-t-il dans un communiqué.
Même condamnation de la candidate du Front national, Marine Le Pen : «Pourquoi devrait-on tolérer sur notre sol des propos que d'autres démocraties refusent ? Pas de campagne électorale turque en France», a-t-elle tweeté.
Pourquoi devrait-on tolérer sur notre sol des propos que d'autres démocraties refusent ? Pas de campagne électorale turque en France. MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 12 mars 2017
Dimanche, le président Erdogan a dénoncé un comportement rappelant «le nazisme et le fascisme», après le refoulement de M. Cavusoglu, puis l'expulsion d'une autre ministre turque des Pays-Bas, où ils devaient participer à des réunions électorales. Des propos «inacceptables» pour Emmanuel Macron, pour qui l'Union européenne doit réagir «de manière unie». «Notre pays ne doit accepter sur son sol aucun dérapage ni aucune attaque contre notre démocratie, nos alliés, nos valeurs», écrit-il dans un communiqué.
Pour Henri Guaino (LR), autre candidat à l'Elysée, «la solidarité européenne voudrait que tous les pays européens, à commencer par la France, élèvent une protestation scandalisée auprès du gouvernement turc». Même condamnation du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, également candidat à la présidentielle, pour qui «le gouvernement s'est couché» devant les exigences turques. Et pour le député LR Pierre Lellouche, «ce manque de solidarité des démocraties européennes n'est pas à l'honneur du gouvernement socialiste».
Jean-Marc Ayrault appelle à éviter les polémiques inutiles
Jean-Marc Ayrault a souhaité «l'apaisement» et invité «les autorités turques à éviter les excès et les provocations». «Dans ces circonstances, il est indispensable de faire preuve de responsabilité et d'éviter les polémiques inutiles», écrit-il.
Le candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon, en déplacement en Guadeloupe, a tenu un discours similaire: «J'appartiens à cette tradition où même si je suis en désaccord total avec la manière dont aujourd'hui la Turquie d'Erdogan veut réduire les libertés, (...) le rôle de la France ça n'est pas d'interdire a priori un débat en dépit de nos désaccords avec Erdogan». Mais «il faut que la Turquie revienne à la raison. Quand l'Allemagne ou les Pays-Bas décident de ne pas autoriser qu'un débat s'organise, la comparaison avec les nazis est tout sauf justifiée», a ajouté M. Hamon à Pointe-à-Pitre.
Europe Écologie-Les Verts a dénoncé en revanche la tenue de ce meeting «qui rend la France témoin et caution du grave glissement autoritaire que connaît la Turquie actuellement». La communauté turque en France compte environ 700.000 personnes, dont 160.000 dans le Grand Est. Nombre de Turcs d'Alsace et de Lorraine avaient fait le déplacement à Metz, parmi lesquels un grand nombre de femmes. Dimanche, M. Erdogan a remercié Paris d'avoir autorisé la visite de son chef de la diplomatie, affirmant que «La France n'est pas tombée dans (le même) piège» que les Pays-Bas ou l'Allemagne.