Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MERCREDI 16 NOVEMBRE
Reçu d’un ami américain, écrivain et essayiste new-yorkais, l’e-mail suivant : «Avec l’élection de Trump, nous voici plongés dans des jours de plus en plus sombres. Envoie-moi quelques mots d’espoir et d’amitié.»
Voici ma réponse :
«Cher vieux, je peux comprendre ton étonnement et ta tristesse au lendemain de l’élection de Donald Trump, mais je me permets de te rappeler plusieurs choses :
1. Nous nous sommes tous trompés, car nous n’avons pas assez mesuré l’ampleur de la colère rentrée de ceux que, à tort, on a baptisé les «petits Blancs» américains. L’espoir, c’est que l’on ne refasse jamais ce genre d’erreur, aux Etats-Unis ou ailleurs. Tu es triste, me dis-tu. Eh bien !, la moitié de tes concitoyens ne le sont pas autant. Mon espoir est que tu te réconcilies avec eux. N’oublie pas qu’Hillary Clinton a obtenu plus de voix dans le vote dit «populaire» et que le système du collège électoral mérite donc d’être revu et corrigé.
2. Vos sondages étaient mal faits, reposant parfois sur des données fausses. L’espoir, c’est que, désormais, on accorde moins d’importance aux déclarations d’intention qui sont souvent des «votes cachés». Nous allons, peut-être, ici, en France, connaître les mêmes «chocs» politiques.
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3. Aujourd’hui qu’il est élu, nul ne sait quel genre de présidence Trump va conduire. L’espoir, c’est que, comme tous les gens parvenus au pouvoir, il revienne sur les extravagances prononcées avant de se faire élire. Tu peux toujours parier sur une éclaircie : parfois, la fonction transforme l’homme. L’entourage qu’il choisira nous en dira plus, en bien ou en mal.
4. L’Amérique, selon moi, a toujours été plus forte que l’on ne le croit face à des crises de confiance et une atmosphère d’intolérance, face aux hommes extrémistes. Le sénateur McCarthy avait fini par perdre son influence, bien plus néfaste, dans les années 1950. Et quand, avec le Watergate, Nixon a été pris la main dans le sac, il a dû démissionner. L’espoir, c’est que, quoi qu’il arrive, ton pays est capable de tous les rebonds possibles.
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5. Vous demeurez, vous Américains, un peuple de culture, d’invention, d’énergie. Vous êtes, en Californie ou ailleurs, le laboratoire du monde moderne. Ça ne va pas s’arrêter. On a souvent dit que vous étiez le «phare» de la démocratie. Mon amitié consiste à te dire : Obama, en s’assurant que la transition se passe au mieux, alors que ce même Obama accusait Trump d’être «inapte au pouvoir», et qu’il lui tende la main depuis qu’il a été élu, et qu’il lui propose aide et conseil, est un bel exemple pour nous, vos amis. Nous sommes, en France, incapables d’accomplir un tel geste démocratique.
6. Dis-toi que Donald Trump n’a pas été élu par hasard. A nous de comprendre les vraies raisons de cette victoire. De toi à moi, les mensonges et les erreurs d’Hillary Clinton ne l’avaient pas rendue tellement sympathique. Mon espoir – et mon amitié – est que cela se passe moins mal que ce que toute l’Europe redoute. Dans un monde dangereux, cette «amitié» que tu évoques doit être celle de la France à l’égard de l’Amérique et vice versa. Avec ou sans Trump, comme c’eût été avec ou sans Clinton. Tant que nos libertés, celles des démocraties où nous avons la chance de vivre, tant que ces libertés fondamentales sont respectées, il faut espérer que Trump devienne plus sage et plus raisonnable qu’il ne l’a été au cours de cette campagne présidentielle sans précédent, ce spectacle affligeant que l’on n’oubliera pas et qui nous servira peut-être de leçon.»