Les dirigeants des pays de l'UE se retrouvent vendredi, sans le Royaume-Uni, à Bratislava pour tracer les contours de l'Europe post-Brexit, lors d'un sommet où la sécurité et la relance de la défense européenne devraient dominer des débats.
Réunis dans un château perché sur une colline surplombant le Danube, les 27 veulent esquisser une "feuille de route" pour relancer une Europe affaiblie, mais les appels répétés à serrer les rangs se heurtent à des divergences toujours profondes.
L'UE "n'est pas menacée dans son existence" par le Brexit, a estimé mercredi le président de la Commission Jean-Claude Juncker, avant de lancer une série de projets "concrets" dans divers domaines (sécurité, défense, investissements, numérique).
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Mais "ce serait une erreur fatale de considérer que le résultat négatif du référendum au Royaume-Uni représente un problème spécifiquement britannique", a prévenu de son côté le président du Conseil européen, Donald Tusk, dans sa lettre d'invitation adressée aux 27 pour le sommet de Bratislava.
Les citoyens européens "veulent savoir si les élites politiques sont capables de restaurer le contrôle sur des événements et des processus qui les dépassent, les désorientent et parfois les terrifient", a-t-il estimé, citant les migrations, le terrorisme mais aussi la mondialisation.
M. Tusk, après avoir consulté les 27 pour préparer le sommet, dit avoir déjà tiré une conclusion claire, aux allures de message à la Commission: "Donner de nouveaux pouvoirs aux institutions europénnes n'est pas la recette désirée".
Un QG unique
Lors du sommet en Slovaquie, "nous initions un processus", a insisté un responsable européen, pour mieux souligner qu'il ne faut pas trop en attendre de cette réunion informelle, organisée de manière inhabituelle hors de Bruxelles.
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C'est lors d'un autre sommet, prévu à Rome en mars 2017 à l'occasion des 60 ans du traité fondateur de la construction européenne, que sont renvoyées les grandes décisions.
En attendant, les 27 vont déjà commencer à préciser comment ils envisagent une relance de la défense européenne, que la majorité des pays semblent appeler de leurs voeux.
La Commission propose notamment des "ressources militaires communes", "un quartier général unique" et la création "avant la fin de l'année" d'un fonds européen pour stimuler la recherche et l'innovation dans l'industrie de la défense.
Paris et Berlin, des moteurs
"Pour l'instant, il n'y a pas d'état-major opérationnel, mais seulement un comité militaire des 28", indique une source diplomatique française.
Paris et Berlin, moteurs sur ce sujet, ont l'intention de soumettre à Bratislava une initiative commune, pour déclencher des opérations de l'UE plus facilement et obtenir davantage de financements européens.
Le départ du Royaume-Uni, qui a toujours privilégié le cadre de l'Otan, offre une chance d'avancer sur ce dossier dans un contexte où l'Europe est cernée par les crises, les guerres et le terrorisme.
Dans le domaine la sécurité, le renforcement de la protection des frontières extérieures de l'UE fait désormais l'objet d'un consensus. Bratislava devra marquer "un tournant décisif" sur ce point, estime M. Tusk.
Pas de "baguette magique"
Mais le sommet de Bratislava pourra difficilement ressembler à une démonstration d'unité. "Jamais encore, je n’avais vu une telle fragmentation, et aussi peu de convergence dans notre Union", a admis mercredi M. Juncker devant les eurodéputés.
Des sujets comme les travailleurs détachés ou la répartition des réfugiés dans l'UE depuis l'Italie et la Grèce restent hautement conflictuels.
Les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque), parmi les plus contestataires des projets européens d'accueil de réfugiés, comptent livrer à Bratislava leur propre vision de l'avenir de l'Union, dont ils estiment qu'elle est trop dominée par certains grands pays.
Des pays du sud, comme la Grèce, la France et l'Italie, réunis à Athènes la semaine dernière, mettent en avant d'autres priorités, comme le partage de la charge migratoire ou le desserrement de l'austérité budgétaire.
Le récent appel du chef de la diplomatie luxembourgeoise, Jean Asselborn, à exclure la Hongrie de l'UE pour violation de ses valeurs fondamentales est une autre illustration des fissures du bloc européen.
"A Bratislava, on ne va pas tout régler d'un coup de baguette magique, mais il faut trouver une base qui permette de dégager un accord dans les mois qui viennent", a résumé une source diplomatique.