Dans un autocar bleu, Hillary et Bill Clinton traversent ce week-end la "Rust Belt" américaine sur près de 1.000 km, de Philadelphie à Columbus, afin de ne pas abandonner l'électorat ouvrier blanc au républicain populiste Donald Trump.
Le choix de la Pennsylvanie rurale et de l'Ohio vise explicitement à endiguer la désaffection d'électeurs de la classe ouvrière à l'égard du parti démocrate, et en particulier d'Hillary Clinton.
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Ici, dans ce paysage vallonné et verdoyant, les aciéries ont fermé depuis la fin des années 1970, et nombre d'usines ont mis la clé sous la porte depuis les années 1990. La grande récession de 2008-2009 aggrava encore la désespérance des habitants. Malgré la reprise, la région n'a récupéré qu'une fraction des emplois d'antan.
"Je comprends très bien que certains aient l'impression que l'économie ne marche pas vraiment pour eux", a reconnu Hillary Clinton, accompagnée par son mari et par son colistier, Tim Kaine, lors d'une réunion publique vendredi à Harrisburg, capitale de Pennsylvanie. "Je le comprends très bien, car moi non plus le statu quo ne me satisfait pas".
Sa première proposition de candidate officielle, désignée jeudi à la convention de Philadelphie, a donc été ce qu'elle qualifie de plus grand plan d'investissements dans l'emploi depuis la Seconde guerre mondiale, concentré sur l'industrie manufacturière et les infrastructures. Mais "il existe une grande méfiance envers Hillary Clinton, et c'est à cause de Bill", explique John Russo, chercheur à l'université Georgetown et expert de la classe ouvrière basé à Youngstown, dans l'ex-vallée de l'acier.
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Car Bill Clinton a signé en décembre 1993 l'accord de libre-échange nord-américain (Nafta, en anglais), blâmé pour les disparitions d'emplois dans l'industrie. A Pittsburgh samedi soir, la "ville de l'acier", Hillary Clinton a voulu doper sa crédibilité en rappelant ses racines familiales et ouvrières en Pennsylvanie, son père venant de Scranton.
Face à l'offensive Trump, elle argue que le milliardaire n'a rien d'un protecteur de la classe ouvrière, prenant un malin plaisir à rappeler que les cravates Trump sont fabriquées en Chine --une saillie qui fait mouche à chaque étape. "Donald Trump dit qu'il veut rendre à l'Amérique sa grandeur. Il pourrait commencer par fabriquer des choses en Amérique", a lancé Hillary Clinton à Johnstown où elle a visité une usine de fils et de câbles.
De Kennedy à Trump
Mais Donald Trump a rompu avec l'orthodoxie libre-échangiste du parti républicain et adopté un discours protectionniste aligné sur le sentiment ambiant de la région. Son message: les délocalisations sont le fruit de la politique commerciale des Clinton.
Les primaires républicaines ont montré le succès de Donald Trump auprès des blancs ouvriers et de la classe moyenne. Il croit possible de renouveler le hold-up à l'échelle de l'élection présidentielle.
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Ohio et Pennsylvanie sont des Etats-clés du scrutin. En faisant le plein des voix des Blancs, M. Trump pourrait contrer l'avantage d'Hillary Clinton dans les grandes villes comme Philadelphie ou Cleveland, où les Noirs plébiscitent les démocrates. Non loin de Pittsburgh où Hillary Clinton est passée samedi, se trouve la ville de Monessen, environ 7.500 âmes, qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était lorsque deux immenses aciéries employaient quelque 22.000 personnes aux alentours.
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En 1962, le président Kennedy avait fait le déplacement dans ce bastion démocrate. Cette année, c'est Donald Trump qui est venu pour déclarer "l'indépendance économique américaine", un discours au vitriol contre la mondialisation. "Nous allons réintégrer l'acier produit aux Etats-Unis dans la colonne vertébrale de notre pays. Rien qu'avec cela, nous créerons beaucoup d'emplois ", a-t-il déclaré fin juin.
Depuis son bureau surplombant la rivière Monongahela, le maire de Monessen Louis Mavrakis, 79 ans, désigne du doigt les sites désaffectés. Il dénombre 400 maisons vacantes à raser dans sa ville. Ce démocrate, qui n'a jamais voté républicain, refuse de dire s'il votera pour Donald Trump en novembre. Mais il n'a aucun problème à dire que les deux partis le "dégoûtent".
"Pour les gens ici, démocrates et républicains c'est du pareil au même", dit-il. "Pourquoi les gens aiment Trump? Parce qu'il leur dit ce qu'ils veulent entendre, à savoir qu'il ramènera les emplois perdus". "Trump va gagner plus de voix démocrates que n'importe quel autre candidat républicain", prédit cet ex-syndicaliste.