Le parquet sud-africain doit annoncer lundi s'il rétablit ou non quelque 800 chefs d'inculpation de corruption contre Jacob Zuma dans une affaire de contrat d'armement, une éventualité susceptible de fragiliser encore plus le président dans un climat politique et économique plombé.
Le 29 avril, la Haute Cour de Pretoria avait jugé "irrationnelle" la décision du parquet d'abandonner, en 2009 pour vice de forme, 783 charges contre l'actuel chef de l'Etat et estimé qu'elle devait être "revue".
"M. Zuma devrait être poursuivi pour ces chefs d'inculpation", avait même ajouté le juge Aubrey Ledwaba de la Haute Cour de Pretoria, saisie du dossier par l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition.
La balle est désormais dans le camp du ministère public, qui se prononcera lundi lors d'une conférence de presse à Pretoria.
"Le parquet a jusqu'à lundi pour rendre sa décision (...). Il s'adressera à la presse à 10 heures (08H00 GMT)", a déclaré à l'AFP son porte-parole, Luvuyo Mfaku.
Plusieurs alternatives sont possibles: le parquet peut rétablir la totalité ou une partie des 783 chefs d'inculpation contre le président Zuma, ou décider de faire appel du jugement de la Haute Cour.
Ces chefs d'inculpation de corruption sont liés à une énorme commande d'armement public de 4,8 milliards de dollars conclue à la fin des années 90 par le gouvernement sud-africain avec plusieurs entreprises, dont le Français Thomson-CSF (devenu Thales), le Suédois Saab et le Britannique BAE Systems.
En décembre 2007, Jacob Zuma, alors chef du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), avait été inculpé pour corruption, fraude fiscale et racket dans cette affaire. Il était accusé d'avoir accepté des pots-de-vin de la part de fabricants d'armes internationaux.
Mais les poursuites avaient été levées in extremis, trois semaines avant les élections de 2009 qui avaient porté Jacob Zuma à la tête du pays.
- Une première depuis 1994 ? -
Le rétablissement des charges constituerait, selon Shadrack Gutto, professeur au Centre d'études pour la renaissance africaine à l'Université d'Afrique du Sud, "un grave revers" pour Jacob Zuma, qui accumule les déboires à trois ans de la fin de son mandat en 2019.
Fin mars, la Cour constitutionnelle l'a reconnu coupable de violation de la Loi suprême et lui a ordonné de rembourser une partie des 20 millions d'euros d'argent public utilisé pour sa résidence privée en pays zoulou (est).
L'opposition, qui demande sa démission, l'accuse également de miner l'économie sud-africaine, qui a été récemment rétrogradée à la troisième place en Afrique par le cabinet KPMG.
La décision du ministère public attendue lundi tombe à un moment crucial pour l'ANC, à l'approche des élections municipales prévues le 3 août.
Si Jacob Zuma est poursuivi, "il peut rester au pouvoir" le temps de la procédure judiciaire, ce qui "minera son rôle", prévient Shadrack Gutto.
Mais "toute inculpation accroîtra la pression pour qu'il parte", ajoute-t-il. "L'ANC serait bien avisée de le remplacer immédiatement (...) pour essayer de reconquérir une partie de l’opinion publique" en vue des élections municipales, avance-t-il.
Il y a un précédent dans la jeune démocratie sud-africaine. En 2007, l'ANC - au pouvoir depuis la fin de l'apartheid en 1994 - avait contraint à la démission le président Thabo Mbeki, accusé d'avoir instrumentalisé la justice contre son rival... Zuma.
Depuis plusieurs mois, des voix au sein de l'ANC - dont des vétérans et amis de l'ancien président Nelson Mandela - s'élèvent pour demander le départ de Jacob Zuma, mais le parti lui est jusqu'à présent resté fidèle.
S'il était poursuivi pour corruption, Jacob Zuma deviendrait le premier président sud-africain en exercice à être inculpé pour crime depuis l'instauration de la démocratie en 1994.