Un an après l'avalanche de blocs de glace qui a dévasté le petit village de montagne de Langtang au Népal, les rares survivants tentent de reconstruire une vie habitée par le chagrin et l'absence de leurs proches disparus.
Le séisme de magnitude 7,8 qui a secoué le pays le 25 avril 2015 a entraîné la rupture d'un glacier surplombant le village et un déferlement de blocs de glace et de roches s'est alors abattu dans la vallée se trouvant dessous. L'avalanche a été si puissante qu'elle a dépouillé les arbres de leur écorce et obscurci le ciel de poussière, tuant 283 Népalais et 43 touristes présents dans ce village bucolique qui attirait des milliers de randonneurs chaque année.
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Nombre d'entre eux ont été ensevelis sous les débris et leurs corps n'ont jamais été retrouvés, transformant le village en un cimetière. Suppa Tamang, qui a perdu des dizaines de proches dont sa seconde femme et son fils de 13 ans, a été parmi les premiers à regagner le village le mois dernier. "Je n'arrive pas à réaliser l'ampleur de ces pertes, tant de gens sont morts, il ne reste plus rien. Et pourtant, nous devons avancer", dit-il à l'AFP. Des abris faits de bâches et quelques chantiers de construction parsèment le paysage autrefois constitué de plus d'une soixantaine de maisons d'hôtes qui prospéraient, dont deux appartenaient à Tamang.
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Frustrés par la lenteur de distribution de l'aide de 2.000 dollars promise par le gouvernement, quelques villageois ont commencé à reconstruire seuls, une tâche dantesque dans cette vallée uniquement accessible à pied ou par hélicoptère. "C'est si difficile et si cher, nous pouvons utiliser des mules et des porteurs pour le ciment et la nourriture, mais il nous faut payer des milliers de dollars pour acheminer par hélicoptère des tiges de métal, des planches de contreplaqué et des vitres", explique Tamang.
Reconstruire
"Ma principale crainte est que Langtang disparaisse, à moins que d'autres personnes comme nous ne reviennent pour reconstruire et poussent les jeunes à rentrer également". Après le séisme, les survivants de Langtang ont été évacués vers Katmandou où ils ont installé un camp dans un monastère bouddhiste tibétain, le temps que les autorités déclarent la vallée sûre. A Katmandou, plongés dans la chaleur et la poussière de la capitale, ils se languissaient de leur village d'altitude autrefois si serein.
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La communauté bouddhiste venue du Tibet il y a plusieurs centaines d'années pour s'installer ici vivait de l'élevage de yaks et de l'agriculture jusqu'à l'émergence du tourisme. En dépit de l'afflux de visiteurs, les habitants ont conservé leurs traditions culturelles et religieuses, parlant un dialecte issu du tibétain et construisant des maisons d'hôtes traditionnelles aux fenêtres en bois ciselé.
Le comité de reconstruction créé par des survivants de la vallée a réuni huit millions de roupies (67.000 euros) pour réparer les chemins et reconstruire les maisons, une fraction seulement de la somme nécessaire. Chiring Chokpa Lama a récemment ouvert la première nouvelle maison d'hôtes, un petit gîte aux parois en taule et aux fenêtres de bâche en plastique.
"Leur fantôme est toujours là"
Elle était chez elle avec sa fille de 21 ans, Nangse, quand l'avalanche s'est déclenchée, ensevelissant les deux femmes. Pendant des heures, elles ont appelé à l'aide, mais les gravats étouffaient leurs cris. Une proche a finalement sauvé la mère de la mort mais pas sa fille. "Ma fille continuait d'appeler à l'aider mais je ne pouvais pas bouger, je ne pouvais rien faire pour elle", raconte-t-elle en retenant ses larmes. Longtemps abasourdie par le chagrin, elle a finalement retrouvé assez de courage pour revenir à Langtang avec son mari, laissant ses deux autres enfants étudier à Katmandou.
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"Nous vivons ici depuis des générations, tous ceux que nous aimions vivaient dans cette vallée", dit-elle. "Nous devions rentrer. Nous n'avons nulle part ailleurs où aller". Pour nombre de membres de cette communauté, l'avenir reste cependant incertain, assombri par le chagrin et l'anxiété. Nurpu Tamang, éleveur de yaks de 61 ans, doit affronter une vie de solitude, toute sa famille dont ses trois petits-enfants ayant été tuée. "C'était le pire jour de ma vie, je n'avais jamais vu ça avant", dit Tamang, qui vit dans un abri temporaire dans un village proche.
Il s'est réveillé pendant des mois en croyant que ses proches étaient encore en vie avant de réaliser que son cauchemar était réel. "Je n'ai jamais retrouvé leurs corps. Et j'ai l'impression que leur fantôme est toujours là, j'ai beaucoup de mal à envisager la reconstruction d'une autre maison ici", dit Tamang. "En un an, je n'ai pas appris à vivre sans eux".