Interviewée par Mishal Husain (BBC), la lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, Aung San Suu Kyi, a conclu l'entretien d'une phrase polémique : «personne ne m'a dit que je devais être interviewée par un musulman».
En Birmanie, les musulmans représentent une minorité (près de 4% de la population) et ont longtemps été une cible privilégiée. Les nationalistes bouddhistes sont notamment devenus spécialistes pour attiser les sentiments antimusulmans, particulièrement en période électorale. Les Rohingya (communauté musulmane du Sud-Ouest de la Birmanie qui ne possède que très peu de droits, et ne peuvent notamment pas devenir Birmans) font ainsi l’objet, selon l’Initiative Internationale sur les Crimes d’Etat (ISCI), d’un «nettoyage ethnique sans précédent» dans le pays.
La dictature a bon dos
C’est cette situation que Mishal Husain a demandé à Aung San Suu Kyi de condamner. Sans succès, puisque la lauréate du prix Nobel de la Paix 1991 a préféré comparer la situation des Rohingya avec celle des bouddhistes amenés à quitter le pays «pour des raisons diverses», avant de rejeter la faute sur le régime dictatorial en vigueur durant des années en Birmanie : «ceci est le résultat de nos souffrances sous un régime dictatorial». Un refus qui, couplé à la petite phrase prononcée à la fin de l'interview, illustre le fait que la future ministre des Affaires étrangères (investiture prévue le 1er avril 2016) ne parvient pas à se détacher du sentiment antimusulman si prégnant en Birmanie.
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L’année dernière déjà, Aung San Suu Kyi avait essuyé de nombreuses critiques quant à son incapacité à défendre les populations musulmanes opprimées en Birmanie.