Les autorités de Brazzaville ont annoncé samedi une coupure totale des communications de 48 heures pour la présidentielle de dimanche à laquelle le président Denis Sassou Nguesso brigue un nouveau mandat après plus de 32 années au pouvoir.
"Toutes les communications" seront coupées dimanche et lundi pour éviter la "publication illégale" de résultats, a indiqué à l'AFP une source gouvernementale. Dans une lettre aux opérateurs de télécommunications, le ministre de l'Intérieur, Raymond Mboulou, invoque des "raisons de sécurité et de sûreté nationales" pour leur demander de bloquer toutes les communications, SMS y compris, pour les journées du 20 et 21 mars 2016".
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Cette décision gouvernementale n'entraîne "aucune entrave au vote" et "n'entrave en rien l'accès de l'opposition aux résultats", mais l'Etat cherche "à se prémunir contre la publication illégale de résultats", a-t-on assuré de source gouvernementale. Disant craindre des fraudes et n'avoir aucune confiance dans la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) chargée de publier les résultats, cinq candidats d'opposition à la présidentielle ont créé une "commission technique" parallèle pour surveiller le scrutin.
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L'opposition, qui compte avoir des délégués dans chaque bureau du pays, voulait y photographier à l'aide de téléphones portables les procès-verbaux afin de compiler ses propres résultats et de pourvoir les comparer à ceux publiés au niveau national par la CNEI.
'Psychose'
La décision des autorités de couper les communications est "on ne peut plus désolante", a déclaré à l'AFP Honoré Sayi, porte-parole du candidat Pascal Tsaty Mabiala, secrétaire-général du premier parti de l'opposition au Parlement. La fraude "est déjà établie", a-t-il ajouté. Vivien Manangou, porte-parole du candidat Guy-Brice Parfait Kolélas a estimé pour sa part que cela contribuait à créer une "psychose et à dissuader les électeurs d'aller voter". Mais "il n'y a pas de boycott" de la part de l'opposition, a-t-il ajouté.
Vendredi soir, l'ONU avait appelé "tous les acteurs impliqués dans le processus électoral (...) à ne ménager aucun effort afin de garantir la tenue d'un scrutin électoral dans une atmosphère apaisée et exempte de toute violence" alors que pouvoir et opposition commencent à se renvoyer la responsabilité de possibles troubles post-scrutin. Dans ce climat tendu, le général Jean-Marie Michel Mokoko, candidat d'opposition, a été convoqué samedi par un service de sécurité. "On veut faire pression sur moi; je crois qu'il est trop tard", a-t-il déclaré à l'AFP.
Recours légaux
Pour l'officier l'annonce de la coupure des communications, est une "preuve" supplémentaire de ce que le scrutin de dimanche n'est pas "crédible". Depuis l'annonce de sa candidature en février, le général a été entendu à plusieurs reprises par la Direction générale de surveillance du territoire (DGST) en rapport avec une vidéo apparue sur internet semblant le mettre en cause dans une apparente tentative de coup d'Etat. Au total, neuf candidats sont en lice pour la présidentielle.
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A la tête du Congo de 1979 à 1992 sous le régime du parti unique, M. Sassou Nguesso est revenu aux affaires à la faveur de la guerre civile de 1997 avant d'être élu en 2002 et réélu en 2009 lors d'élections contestées par l'opposition. Sa candidature a été rendue possible par un changement de Constitution qualifié de "coup d'Etat constitutionnel" par ses détracteurs.
Alors que M. Sassou assure à ses partisans qu'il sera élu dès le premier tour, les cinq candidats de l'opposition appellent le peuple congolais "à exercer sa souveraineté" en cas de tricherie, ce que le gouvernement qualifie d'appel à l'insurrection. A la tête d'une mission d'observation électorale de l'Union africaine d'une trentaine de personnes, l'ancien Premier ministre de Djibouti, Dileita Mohamed Dileita, a déclarer l'AFP souhaiter "des élections libres et transparentes" et a exhorté l'opposition à faire valoir ses éventuelles revendications par des "voies légales" sans appeler "à ce que les gens sortent dans la rue" pour contester les résultats.