L'ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva était mercredi sur le point d'entrer au gouvernement de son héritière politique Dilma Rousseff, qui tangue au milieu d'une tempête politique et judiciaire menaçant sa survie.
Lula, qui a présidé au boom socio-économique du Brésil entre 2003 et 2010, va devenir chef de cabinet de Mme Rousseff, a assuré le chef du groupe parlementaire au Congrès des députés du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir sur son compte Twitter.
"Le ministre (Jaques) Wagner fait un geste de grandeur le jour de son anniversaire en cédant son poste. Lula assume ses fonctions" a posté le député José Guimaraes.
Ministro Wagner no dia de seu aniversário mostra grandeza e desprendimento ao deixar a Casa Civil! Lula nova Ministro da pasta!
— Guimarães (@guimaraes13PT) 16 mars 2016
La présidence n'a pas confirmé immédiatement cette information mais une annonce semblait imminente. La présidente avait renoué dans la matinée les conversations entamées mardi soir avec Lula à sa résidence.
Sauver Rousseff
Lula aurait pour principale mission de peser de tout son poids politique pour tenter d'éloigner la menace de destitution qui pèse chaque jour plus lourdement sur Mme Rousseff, qui avait elle-même été sa chef de cabinet.
Il aurait posé comme condition à la présidente de pouvoir articuler une réorientation de la politique économique du gouvernement, alors que le Brésil est confronté à une profonde récession.
En devenant ministre, l'icône de la gauche brésilienne échapperait par la même occasion à la menace d'un placement en détention par le juge chargé de l'enquête sur l'énorme scandale de corruption Petrobras, qui le soupçonne de corruption et blanchiment d'argent.
Les ministres ne peuvent en effet répondre pénalement de leur actes que devant le Tribunal suprême fédéral (STF), en charge du dossier politique de l'affaire.
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Le STF doit fixer dans la journée les règles précises du cheminement de la procédure d'impeachment lancée en décembre contre la présidente de gauche à l'initiative de l'opposition de droite.
L'opposition accuse le gouvernement de Mme Rousseff d'avoir sciemment maquillé les comptes publics de l'Etat en 2014, en pleine campagne électorale, pour minimiser l'ampleur des déficits et favoriser la réélection de la présidente.
Le STF avait freiné la procédure en décembre. Il doit rendre ses décisions finales mercredi ou jeudi, ce qui donnera le coup d'envoi de la reprise des hostilités au Congrès des députés.
Lula est considéré par la gauche au pouvoir comme la seule figure capable de sauver le mandat de la présidente, acculée par la crise politique majeure qui paralyse le Brésil, au beau milieu d'une sévère récession économique et des rebondissements dévastateurs de l'enquête sur les détournements de fonds au sein du géant pétrolier étatique Petrobras.
"Volonté de vengeance"
Trois millions de Brésiliens ont réclamé dimanche son départ lors de manifestations d'ampleur historique à travers tout le pays. La veille, le grand parti centriste PMDB, incontournable pilier de la majorité parlementaire, s'était donné 30 jours pour décider ou non de claquer la porte du gouvernement.
Et la situation s'aggrave de jour en jour pour Dilma Rousseff. Le gouvernement a été frappé mardi de plein fouet par une rafale d'accusations explosives portées par l'ancien chef du groupe sénatorial du PT au pouvoir, le sénateur Delcidio Amaral, poursuivi dans le scandale de corruption Petrobras.
Dans le cadre d'un pacte de collaboration à l'enquête contre remise de peine, homologué mardi par le tribunal suprême, cet ex-membre de premier plan du camp présidentiel a accusé le ministre de l'Education Aloizo Mercadente, homme de confiance de Mme Rousseff, de l'avoir incité à ne pas parler au enquêteurs pour protéger le gouvernement.
Il a fini au contraire par collaborer et a été remis en liberté, après avoir porté devant les enquêteurs des accusations tous azimuts contre le plus importantes figures de la classe politique brésilienne.
Le sénateur Amaral a accusé Mme Rousseff d'avoir manœuvré pour tenter d'entraver le cours de l'enquête et obtenir la remise en liberté des patrons des plus puissants groupes de construction du pays impliqués dans le scandale Petrobras et soupçonnés d'avoir financé illicitement ses campagnes électorales.
Il a également mis en cause Lula, le vice-président Michel Temer (PMDB) qui assumerait le pouvoir jusqu'en 2018 en cas de destitution de Dilma Rousseff, et le chef de l'opposition, le président du Parti social-démocrate brésilien (PSDB) Aecio Neves, rival malheureux de Dilma Rousseff au second tour de la présidentielle de 2014.
Les personnalités mises en cause ont démenti avec véhémence les accusations du sénateur.
L'ex-ministre de la justice Eduardo Cardozo, qui a quitté récemment le gouvernement, a critiqué les déclarations "inconsistantes" du sénateur, dans un entretien au quotidien en ligne Jornal do Brasil, animées selon lui par "une claire volonté de vengeance contre le gouvernement qui n'a pas bougé pour le faire sortir de prison".