Le pape François a rencontré vendredi à Cuba le patriarche orthodoxe russe Kirill lors d'un face à face sans précédent près de mille ans après le schisme entre chrétiens d'Orient et d'Occident.
En chemin vers le Mexique, où il doit entamer dans la soirée une visite de cinq jours, le souverain pontife de 79 ans est arrivé à La Havane pour une escale de quelques heures devant sceller un rapprochement entre Rome et l'Eglise orthodoxe russe.
Ce tête à tête avec Kirill, arrivé la veille à Cuba, est la première entre un chef de l'Eglise catholique et le patriarche de la plus importante des Eglises orthodoxes (plus de 130 millions des 250 millions d'orthodoxes) depuis le schisme entre Eglises d'Orient et d'Occident en 1054.
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François, accueilli au pied de l'avion papal par le président cubain Raul Castro, un athée de 84 ans, devait s'entretenir environ deux heures avec le patriarche dans un salon de l'aéroport, avant la signature d'une longue déclaration commune. Celle-ci devrait évoquer les persécutions contre les chrétiens - orthodoxes comme catholiques - au Moyen-Orient et en Afrique et la défense des valeurs chrétiennes dans le monde.
"C'est un voyage plein d'engagements, qui a été très désiré par mon frère Kirill, par moi même et par les Mexicains", a déclaré le pape aux journalistes présents dans l'avion l'ayant mené La Havane.
L'entretien, que le Vatican tentait d'organiser en vain depuis des décennies, a été tenu secret jusqu'au dernier moment tant les résistances étaient grandes au sein du patriarcat. "La Russie peut donner beaucoup" pour la paix mondiale, avait récemment déclaré le pape, en faisant état de "convergences" dans l'analyse des "Printemps arabes".
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Les liens étroits entre le patriarcat et le Kremlin donnent aussi à la rencontre une dimension stratégique: "A l'arrière-plan, il y a un troisième protagoniste", le président russe Vladimir Poutine, que le pape a reçu deux fois, analyse sur son blog le vaticaniste Marco Politi. "Il serait ingénu de penser que la soudaine disponibilité du patriarche n'est pas liée à la situation de la Russie dans ce moment géopolitique", estime-t-il, citant en particulier le rôle que Moscou veut jouer, avec Washington "dans la stabilisation de la situation syrienne et dans l'endiguement du terrorisme jihadiste".
Un porte-parole du patriarcat, Alexandre Volkov, a démenti ces analyses, en "garantissant à 100% que la rencontre n'a rien à voir avec la politique". Il a espéré "de nouvelles perspectives de coopération mutuelle" entre orthodoxie russe et catholicisme, sans pour autant parler d'une étape vers "l'unité" entre les deux Eglises.
Méfiance à l'égard d'une Eglise catholique perçue comme prosélyte, crise ukrainienne où les grecs-catholiques ont pris le parti de Kiev contre les pro-Russes: les rancoeurs ne manquent pas envers Rome, même si le Saint-Siège a évité de condamner ouvertement la politique de Vladimir Poutine en Ukraine.
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La séparation entre catholiques et orthodoxes, marquée par le schisme de 1054 entre Rome et Constantinople, est liée à des questions théologiques mais aussi des motifs historiques: l'Occident carolingien voulait exercer son autorité sur l'ensemble du monde chrétien tandis que l'Orient souhaitait maintenir son autonomie. Dans la foulée du rendez-vous fondateur entre Paul VI et Athénagoras en 1964 à Jérusalem, de nombreuses rencontres et déclarations communes ont déjà eu lieu entre un pape et le patriarche de Constantinople, théoriquement chef spirituel du monde orthodoxe, mais qui n'a d'autorité directe que sur 3,5 millions de fidèles.
Arrivé jeudi dans la capitale cubaine, Kirill s'est entretenu vendredi matin avec le président Castro, qui poursuit le dialogue avec l'Eglise cubaine engagé par son frère Fidel, à qui il a succédé en 2006. Première étape d'un périple latino-américain de 11 jours qui doit également le mener au Paraguay puis au Brésil, le séjour de Kirill à Cuba doit se prolonger jusqu'à dimanche.
Après ce bref rendez-vous cubain, le pape est quand à lui attendu à 19h30 heure locale à Mexico, où il devrait être accueilli par des centaines de milliers de fidèles sur les 18 km du trajet entre l'aéroport et la nonciature.
Durant les cinq jours de sa visite, de nombreux déplacements sont prévus dans des régions réputées violentes. Le pontife argentin mettra l'accent sur les migrations, la légalité et la lutte contre les violences et le trafic de drogue.