Les scientifiques estiment qu'il y a un lien "hautement probable" entre Zika et les microcéphalies constatées notamment au Brésil mais de nombreuses questions demeurent sur la manière dont le virus affecte le foetus chez les femmes enceintes.
Qu'est-ce qu'une microcéphalie ?
"La microcéphalie est une diminution de la taille par rapport à l'âge, gestationnel ou à la naissance, de l'encéphale et donc du périmètre crânien (...) avec plus ou moins de lésions cérébrales", explique le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'Institut immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Les causes sont multiples: infectieuses, virales, toxiques ou en raison d'un placenta mal irrigué voire des causes génétiques inconnues.
Zika est-il responsable de l'augmentation importante des microcéphalies chez les nourrissons actuellement observée au Brésil ?
"Le lien entre Zika et microcéphalie est hautement probable mais pour l'heure, il n'est pas encore prouvé au sens scientifique du terme", résume le professeur Delfraissy. Les chercheurs avancent un lien de cause à effet d'une part en raison d'une hausse significative de cas de microcéphalies en zone d'endémie Zika et, d'autre part, en raison de la présence du virus détectée lors d'avortements de femmes vivant en zone d'endémie et dont le foetus présentait une microcéphalie. "Jusqu'à présent, on n'avait aucune information sur le rôle possible de Zika comme agent à l'origine de malformations. On ne s'y attendait pas car c'est un virus proche de maladies qu'on connaît mieux comme la dengue ou la fièvre jaune, qui posent des problèmes de santé sans pour autant causer de malformations", explique André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Fort-de-France en Martinique.
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Comment Zika agit sur le foetus et existe-t-il un traitement ?
"On sait que des infections virales peuvent donner des malformations, surtout quand elles surviennent au premier trimestre de la grossesse au moment où les organes vitaux se forment", explique le professeur Cabié. La rubéole, le cytomégalovirus ou la toxoplasmose sont depuis longtemps répertoriées comme causes de malformations chez le foetus. "Les virus traversent le placenta, se localisent chez le foetus, parfois au niveau de certaines cellules cérébrales", ajoute le Pr Delfraissy. Pour comprendre l'infection des foetus par Zika, des études sont en cours dont une en Polynésie française où l'épidémie a sévi de fin 2013 à début 2014. En Martinique, où l'épidémie se propage actuellement, "une cohorte" regroupant les femmes enceintes est organisée pour établir avec certitude la relation entre Zika et microcéphalie. La difficulté est que cette infection est majoritairement asymptomatique (pas de symptôme comme la fièvre par exemple). Une femme enceinte peut donc être infectée sans le savoir. A l'inverse, des cas de femmes enceintes affectées par Zika et dont l'enfant ne présente pas de microcéphalie ont été observés. Pourquoi le virus agit-il seulement chez certaines femmes enceintes ? Y a-t-il des facteurs à risques ? Des maladies associées ? Autant de questions auxquelles les chercheurs ne peuvent répondre. En outre, les médecins ne disposent ni d'outils de diagnostic fiables, ni de traitement.
Quelles sont les conséquences pour l'enfant ?
"Sur les tableaux de malformations graves, ce n'est pas compatible avec une vie prolongée. Si le cerveau ne s'est pas développé, le corps ne peut pas fonctionner. En Polynésie, ces malformations ont majoritairement conduit à des interruptions volontaires de grossesse car les enfants n'auraient pas survécu plus que quelques jours", souligne le Pr Cabié. "La première issue peut être la mort in utero en raison de la sévérité de l'atteinte cérébrale", poursuit le Pr Delfraissy. "Pour les enfants naissant avec une microcéphalie, l'avenir est variable: le bébé peut devenir un infirme cérébral avec une palette d'intensités sur le plan moteur et du déficit cognitif (intellectuel), les circuits cérébraux ne pouvant pas bien se mettre en place", explique-t-il. Pour d'autres enfants dont certaines zones du cerveau auront été moins atteintes, ils se développeront "un peu mieux sur le plan moteur mais moins bien sur le plan psychomoteur". Même dans les atteintes "plus légères", le pronostic au niveau fonctionnel et psychomoteur "reste relativement sévère". "C'est un vrai drame", conclut le Pr Delfraissy.