Le Parlement issu des élections législatives de décembre en Espagne a siégé pour la première fois mercredi, écartelé entre quatre partis espérant rapidement dégager une majorité gouvernementale pour répondre à la menace d'une sécession de la Catalogne.
Tout semblait nouveau mercredi dans cette chambre basse où toute une classe politique a fait son entrée, emmenée par les jeunes partis Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (libéraux) qui ont émergé à la faveur de la crise économique et des scandales de corruption qu'ils dénoncent. Pour la première fois depuis que l'Espagne a retrouvé la démocratie en 1978, après la dictature de Francisco Franco, la chambre est divisée en quatre grands blocs politiques.
Pour la première fois aussi, le Congrès des députés s'est doté d'un président n'appartenant pas au parti vainqueur des élections, en l'occurrence le Parti populaire (droite, 28,7% des suffrages, 123 sièges) : le socialiste Patxi Lopez.
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Dans son discours devant les élus, le président du Congrès a plaidé pour le "dialogue et l'accord, éléments fondamentaux de la vie politique en démocratie". Il a souhaité qu'ensemble ils luttent contre "les inégalités insupportables", après des années de politiques d'austérité entamées par la gauche et poursuivies par la droite, au pouvoir entre 2011 et 2015.
Cet ancien président régional basque de 56 ans a été élu avec les 90 voix du PSOE (socialistes) et les 40 de Ciudadanos, le Parti populaire (PP) s'étant quant à lui abstenu, dans l'espoir d'obtenir dans les semaines qui viennent le soutien de ces deux partis pour former un gouvernement.
Ce que les électeurs veulent, ce sont des "grands accords, sur de grands sujets", et "un gouvernement pour quatre ans", a plaidé le chef du gouvernement sortant, le conservateur Mariano Rajoy, qui propose une coalition de partis défendant l'unité de l'Espagne face aux tentations sécessionnistes de la Catalogne.
Rasta et "working class hero"
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Patxi Lopez aura la délicate tâche de veiller sur les débats et l'ordre du jour de ce Congrès où la nouvelle génération de députés, représentant surtout l'électorat de moins de 40 ans, a incarné une Espagne moins conventionnelle, les uns arrivant à vélo, ou arborant un t-shirt "working class hero" (héros de la classe ouvrière) ou une coiffure rasta. La députée de Podemos Carolina Bescansa a fait sensation, installée dans l'hémicycle avec son bébé de moins d'un an dans les bras.
Les anciens et les nouveaux sont condamnés à s'entendre rapidement s'ils veulent éviter la colère des électeurs qui seraient alors rappelés aux urnes dans quelques mois, selon les analystes. Tout atermoiement leur serait reproché après qu'à Barcelone, les indépendantistes ont formé cette semaine un gouvernement décidé à mettre en oeuvre tambour battant une feuille de route vers l'indépendance de la Catalogne, la plus riche région d'Espagne, avant la fin 2017.
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"Quand en Catalogne, il y a un gouvernement qui dispose de la majorité absolue, avec des objectifs et un calendrier précis -l'indépendance dans les deux ans- passer six mois à organiser de nouvelles élections serait incompréhensible", a souligné Anton Losada, professeur de sciences politiques à l'université de Saint Jacques de Compostelle.
Mariano Rajoy tentera le premier de former un gouvernement, mais il semble à cet égard en difficulté, les trois autres partis restant décidés à lui barrer la route.
Le PSOE, arrivé à la deuxième place à la chambre avec 90 sièges, et qui vient de remporter un premier round en obtenant la présidence du Parlement, se trouve paradoxalement en position de force. "C'est l'arbitre, c'est lui qui dispose du plus d'options", estime José Ignacio Torreblanca, du groupe de réflexion European council on foreign relations.
Son chef Pedro Sanchez, a d'abord évoqué une grande alliance des forces de gauche comprenant Podemos mais qui aurait aussi besoin du soutien des indépendantistes catalans. Il a aussi proposé lundi une alliance des partis réformistes, avec Ciudadanos et Podemos, et, dans ce cas, il n'aurait pas besoin des voix des indépendantistes catalans. La première réaction des nouveaux partis a toutefois été d'exclure de travailler ensemble.