Les présidents chinois et taïwanais vont se serrer la main samedi après-midi à Singapour, une première historique depuis la séparation de la Chine continentale et de Taïwan il y a 66 ans, qui doit consacrer un rapprochement entre ces rivaux en Asie.
A Taïwan, des protestataires se sont rassemblés à l'aéroport de Taipei avant le départ du président Ma Ying-jeou samedi matin, brûlant des photos des deux dirigeants et scandant des slogans qualifiant le président chinois Xi Jinping de "dictateur" et M. Ma de "traître".
Dans la nuit de vendredi à samedi, une centaine de manifestants brandissant des pancartes où était écrit "Indépendance de Taïwan" ont également tenté de prendre d'assaut le parlement de Taipei. La poignée de main entre MM. Xi et Ma doit avoir lieu aux alentours de 15h00 locales (07h00 GMT) et les deux présidents doivent ensuite s'entretenir à huis clos durant une heure.
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Après des décennies de méfiance, les deux rives du détroit de Taïwan restent fortement militarisées. Mais depuis l'arrivée au pouvoir en 2008 de M. Ma, un pro-chinois, le climat politique s'est réchauffé et les relations sino-taïwanaises vont atteindre un point culminant avec la réunion de samedi, événement encore impensable il y a peu.
Cette rencontre est une "avancée historique", qui "peut créer de nouveaux espaces pour les relations" entre le continent et Taïwan, a estimé samedi le journal chinois Global Times, proche du pouvoir, dans un éditorial.
MM. Xi et Ma vont cependant se traiter avec égards au cours du sommet, en raison des profondes sensibilités politiques qui pèsent sur les relations. La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire qui doit être réunifiée, par la force si nécessaire.
Taïwan s'est de son côté forgé une identité propre depuis la proclamation par Mao Tsé-toung de la République populaire de Chine (RPC) il y a 66 ans.
"Monsieur" et pas "président"
Pour éviter les problèmes de protocole, les deux chefs d'Etat ne vont pas s'adresser sous l'appellation "président" mais simplement "monsieur".
M. Ma a également indiqué qu'aucun accord ne serait signé et qu'il n'y aurait pas de déclaration commune, afin d'apaiser les tensions à Taïwan, une société polarisée sur l'attitude à adopter face à l'influence grandissante de Pékin.
Dans son éditorial intitulé "les sceptiques montrent leur étroitesse d'esprit", le Global Times tance ainsi certains "politiciens taïwanais", critiques de la rencontre.
"Taiwan n'est pas un pays", écrit le quotidien. "La société taïwanaise doit accepter la réalité, et être consciente que personne à Taïwan (...), ni aucune force internationale, y compris les Etats-Unis, ne pourront aider à changer la réalité".
Les analystes s'accordent sur le fait qu'il serait difficile pour les deux parties d'effectuer des annonces spectaculaires. Cette rencontre pourrait toutefois permettre à Taïwan de gagner en influence sur la scène internationale où ce pays est marginalisé dans l'ombre de Pékin.
Taïwan a perdu son siège au Nations unies en 1971 au profit de la Chine, et seuls 22 pays reconnaissent formellement l'île, ce qui provoque un important ressentiment parmi les Taïwanais.
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M. Ma a indiqué qu'il soulèverait ce point lors de la rencontre, dans l'espoir d'un "plus grand espace international" pour Taïwan. Mais sur l'île, l'opposition l'accuse de vouloir à travers ce sommet favoriser son parti, le KMT, donné perdant à la présidentielle de janvier.
En dépit de l'amélioration des relations entre Pékin et Taipei, la Chine avait décliné les tentatives répétées de M. Ma d'un tête-à-tête avec M. Xi. De nombreux observateurs s'interrogent sur les raisons qui, cette fois, ont poussé les autorités du continent à l'accepter.
En Chine, sur le réseau social Sina Weibo, la rencontre était le sujet le plus débattu ce samedi matin. Elle "va briser la glace", se réjouissait un internaute. "Le problème de Taïwan devrait enfin être réglé, on ne peut pas repousser indéfiniment sa résolution !", espérait un autre. "Ce n'est que lorsque le peuple chinois (du continent et de Taïwan) sera réuni qu'il pourra montrer son vrai talent sur la scène internationale".