La présidence burundaise a tenté samedi de rassurer la communauté internationale qui craint des violences ethniques à grande échelle.
"Il n'y aura pas de guerre ni de génocide" au Burundi, a affirmé samedi à l'AFP Willy Nyamitwe, conseiller principal présidentiel en communication. "On ne permettra pas que ce pays retombe dans ses vieux démons". "Il y a aujourd'hui une manipulation de la communauté internationale car celle-ci est tombée dans le piège d'une opposition qui a toujours chanté +génocide+ et qui a propagé des traductions erronées de certains propos de responsables burundais", "interprétés exprès dans le sens négatif", a-t-il dit.
Fin octobre, le président du Sénat Révérien Ndikuriyo avait menacé de "pulvériser les quartiers" contestataires de Bujumbura, utilisant au passage le terme "travailler", qui renvoie au génocide de 1994 au Rwanda voisin, qui fit 800.000 morts en trois mois, et où des miliciens hutu partant massacrer des Tutsi étaient encouragés à bien "travailler". Le ministre de la Sécurité publique, Alain-Guillaume Bunyoni, véritable numéro 2 du régime, a rappelé cette semaine aux habitants des quartiers contestataires, surtout tutsi, qu'ils étaient minoritaires face à la masse paysanne hutu favorable au président Nkurunziza."Si les forces de l'ordre échouaient, on a neuf millions de citoyens à qui il suffit de dire: +faites quelque chose+", a-t-il lancé.
ci-dessus
Samedi, les quartiers contestataires du nord de la capitale burundaise continuaient à se vider de leur population, quelques heures avant l'expiration de l'ultimatum, selon des témoins joints au téléphone par l'AFP. Lundi, le président avait donné à ses opposants jusqu'à samedi soir pour "déposer les armes" en échange d'une amnistie, après quoi la police pourrait "user de tous les moyens".
"J'ai décidé de fuir "
"Dès que j'ai entendu le discours du président Nkurunziza et les propos de ses ministres, j'ai décidé de fuir car j'ai compris que les choses ont changé", affirme Marie, une secrétaire quadragénaire qui a trouvé refuge avec ses cinq enfants chez une parente, dans un quartier plus calme de Bujumbura. "J'ai été terrorisée, j'ai compris que cette fois ils allaient nous tuer jusqu'au dernier", lance-t-elle. Son mari, lui, est resté par "crainte des pillages". "Il ne reste pratiquement que des hommes qui protègent leurs biens et des jeunes, tous les autres ont fui", renchérit un habitant du quartier de Mutakura sous couvert d'anonymat.
Au fil de la semaine, l'ONU, les Etats-Unis et la France se sont successivement alarmés du risque de violences ethniques à grande échelle au Burundi, attisé par les propos "incendiaires" du camp du président Nkurunziza, désireux de mettre fin à la contestation agitant son pays depuis le printemps. Signe de l'urgence de la situation, l'émissaire américain pour l'Afrique des Grands Lacs, Thomas Perriello, devait arriver au Burundi dimanche, et y rester trois jours, pour exhorter toutes les parties au "maximum de retenue" et à la "reprise du dialogue", selon le département d'Etat.
ci-dessus
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir lundi, à la demande de la France, pour évoquer l'escalade des tensions dans ce pays. "C'est étonnant de voir qu'un gouvernement qui veut mettre fin au terrorisme est critiqué au lieu d'être encouragé", a réagi Willy Nyamitwea, accusant l'opposition d'être "responsable" des crimes commis dans les quartiers contestataires de Bujumbura, et réfutant les accusations des ONG et les témoignages des habitants accablant les forces de l'ordre.
La candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, contraire, selon les opposants burundais et Washington, à la Constitution et à l'accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile, a plongé le Burundi dans une grave crise. La répression de manifestations et la réélection en juillet de M. Nkurunziza n'ont pas empêché l'intensification des violences, désormais armées.
La crise a déjà fait au moins 200 morts depuis la fin avril, et quelque 200.000 réfugiés. Dans ce contexte extrêmement tendu, un journaliste burundais a été arrêté vendredi par l'armée à une vingtaine de kilomètres de Bujumbura puis remis au Service national de renseignement qui le détient, a appris l'AFP auprès de sa radio et de la police.