Quatre hommes ont été condamnés vendredi aux travaux forcés à perpétuité pour le lynchage de deux Européens et d'un Malgache, frappés à coups de rondins avant d'être brûlés sur une île touristique de Madagascar en 2013.
Trente-sept accusés comparaissaient pour le lynchage d'un touriste français, Sébastien Judalet, d'un résident franco-italien Roberto Gianfalla et d'un Malgache en octobre 2013.
Vingt-cinq d'entre eux ont été libérés "au bénéfice du doute" et un a été formellement acquitté.
Par ailleurs, un accusé a été condamné à sept ans de travaux forcés et les autres à des peines de prison entre six mois avec sursis et trois ans ferme, pour différents motifs.
Les deux Européens avaient été roués de coups et leurs corps brûlés sur une plage de Nosy Be (nord) par une foule déchaînée qui les accusait d'avoir tué un enfant et les soupçonnait de pratiques pédophiles. Le troisième homme, l'oncle malgache du garçonnet, avait subi le même sort quelques heures plus tard.
Jeudi, l'avocat général, Jean de Dieudonné Andrianaivoson, avait requis une peine maximale de travaux forcés à perpétuité contre 12 des personnes poursuivies pour séquestration et lynchage. Il s'en était remis "à la sagesse de la cour" pour les 25 autres accusés, y compris les deux gendarmes poursuivis pour non assistance à personne en danger.
L'un des deux gendarmes a été libéré au bénéfice du doute, l'autre a écopé de six mois avec sursis.
Lors du procès, la plupart des accusés ont nié toute implication. M. Manatoetsy, dit Tsikombala, l'un des quatre condamnés à perpétuité, qui avait été identifié sur une photo lors du lynchage, a cependant reconnu jeudi avoir "fait partie de ceux qui ont incendié le corps des +vazahas+ (les Occidentaux en malgache)".
Vidéos du lynchage
Un autre accusé, Marcellin Tomboravo, condamné à sept ans de travaux forcés, a aussi admis à la barre avoir transporté l'un des deux Européens sur sa charrette tirée par un zébu. Mais son avocat avait plaidé l'acquittement, estimant qu'il n'avait pas eu d'autre option que d'obéir à la foule.
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Les avocats de la défense mais aussi de l'accusation avaient insisté sur le fait de nombreuses personnes auraient dû être poursuivies dans cette affaire, notamment le chef de district et le maire de Tuléar.
Les inculpés pour assassinat encouraient la peine de mort, qui n'est plus appliquée à Madagascar et est commuée de fait en travaux forcés à vie.
Le procès a été marqué par le visionnage de plusieurs vidéos montrant le drame. On y voit Sébastien Judalet, un pneu au niveau des hanches, sur une plage. L'homme est jeté à terre puis frappé huit fois à coups de rondin sur la tête. Au dernier coup qu'il assène, son bourreau lance : "Adieu la terre".
Roberto Gianfalla, un ancien cuisinier de 50 ans d'Annecy, ville des Alpes françaises, résidait à Madagascar au moment du drame. Sébastien Judalet, 38 ans, travaillait comme chauffeur de bus pour la Régie des transports parisiens (RATP) et se rendait régulièrement en vacances à Madagascar.
Aucun élément ne permet pour l'heure d'accréditer les soupçons de pédophilie et de meurtre d'un enfant par les victimes. Sébastien Judalet a été lavé de tout soupçon pédophile par la police française.
Mais le sujet de la pédophilie est sensible à Madagascar où l'extrême pauvreté alimente la prostitution des mineurs. En 2013, l'ONU avait dénoncé la "banalisation" de la prostitution infantile, un phénomène souvent associé au tourisme.
Le meurtre de l'enfant n'a jamais été élucidé et personne n'a été poursuivi à ce jour dans cette affaire.