Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a gracié mercredi les deux journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera, dont un Canadien, emprisonnés après avoir été accusés d'avoir soutenu les Frères musulmans, une affaire qui avait soulevé un tollé à l'étranger.
Cette décision intervient quelques heures avant le départ du président Sissi, très critiqué par les ONG de défense des droits de l'Homme, pour New York où il doit assister à l'Assemblée générale de l'ONU.
Le Canadien Mohamed Fahmy et l'Egyptien Baher Mohamed avaient été condamnés fin août, en compagnie de l'Australien Peter Greste qui travaillait également pour Al-Jazeera, à trois ans de prison par un tribunal du Caire pour avoir "diffusé de fausses informations" et travaillé sans les autorisations nécessaires.
Un soutien aux Frères Musulmans ?
Ils étaient accusés d'avoir soutenu à travers leur couverture médiatique les Frères musulmans, l'organisation de l'ex-président islamiste Mohamed Morsi, destitué en 2013 par M. Sissi, alors chef de l'armée.
MM. Fahmy et Mohamed avaient été arrêtés après l'énoncé du verdict en août. M. Greste était lui jugé par contumace puisqu'il avait été expulsé en février en vertu d'un décret présidentiel.
Une grâce pour "100 jeunes"
Le bureau de la présidence, selon lequel la mesure de grâce concerne en tout "100 jeunes", n'a pas précisé lorsque seraient remis en liberté les deux journalistes.
La fiancée de M. Fahmy, Marwa Omrane, qui se trouvait auprès de lui en prison lorsque l'annonce de la grâce est tombée, a dit penser qu'il serait libéré dans les prochaines 24 heures. "Mohamed est tellement content", a-t-elle dit à l'AFP, ajoutant qu'il voulait essayer de récupérer sa nationalité égyptienne.
M. Fahmy avait renoncé à cette nationalité pour ne garder que celle du Canada, en espérant pouvoir bénéficier comme M. Greste d'une mesure d'expulsion.
Deux militantes graciées
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L'affaire des journalistes d'Al-Jazeera, qui avait provoqué une vive tension entre Le Caire et Doha mais aussi avec les capitales occidentales dont le Canada, avait débuté fin décembre 2013 lorsque les trois journalistes avaient été arrêtés au Caire.
Lors d'un premier procès en juin 2014, ils avaient été condamnés à des peines entre sept et dix ans de prison mais la Cour de cassation les avait annulées.
Lors de l'ouverture de leur nouveau procès le 12 février dernier, MM. Fahmy et Mohamed avaient été remis en liberté conditionnelle. M. Greste était lui alors en Australie.
Les critiques des ONG
Au-delà de l'affaire des journalistes, de nombreuses ONG de défense des droits de l'Homme ont critiqué l'implacable répression menée par le régime de M. Sissi contre toute opposition, en particulier islamiste.
Depuis la destitution de M. Morsi, le 3 juillet 2013, les autorités ont lancé une campagne de répression contre ses partisans --en en tuant des centaines et emprisonnant des milliers--, élargie plus tard à l'opposition laïque et de gauche.
Parmi la centaine de personnes ayant bénéficié mercredi de la mesure de grâce figurent deux militantes des droits de l'Homme connues, Yara Sallam et Sanaa Seif, qui avaient été condamnées en décembre 2014 à deux ans de prison.
Ces deux femmes faisaient partie d'un groupe arrêté en juin de la même année après avoir pris part à un rassemblement appelant à l'abrogation d'une loi controversée limitant le droit de manifester.
La veille de l'Aïd al-Adha
Aucune liste officielle des personnes graciées n'ayant été diffusée, il n'était pas clair si en faisaient partie d'autres militants des droits de l'Homme, comme le célèbre militant de gauche Alaa Abdel Fattah, un des leaders de la révolte qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak début 2011, et qui avait été arrêté en 2013 pour violences lors d'une manifestation.
Cette mesure de grâce survient à la veille de l'Aïd al-Adha, la grande fête musulmane du sacrifice, habituellement l'occasion de gracier des prisonniers.