Deux policiers ont été grièvement blessés par balles jeudi matin dans la ville américaine de Ferguson (Missouri), déjà théâtre d'émeutes l'été dernier, lors d'une nouvelle manifestation dénonçant le racisme des policiers blancs vis-à-vis des Noirs.
L'un des policiers a été touché au visage et l'autre à l'épaule par des coups de feu tirés au moment de la dispersion d'un rassemblement devant le commissariat de la ville, a déclaré aux journalistes le chef de la police du comté de Saint Louis, Jon Belmar.
Les deux policiers, âgés de 32 et 41 ans, sont grièvement blessés mais conscients, a-t-il précisé.
Pratiques racistes de la police et de la municipalité de Ferguson
Ferguson a vécu l'an dernier des semaines de manifestations et d'émeutes après la mort le 12 août d'un jeune Noir de 18 ans, Michael Brown, tué de 12 balles par le policier Darren Wilson, 28 ans, qui a depuis quitté la police sans être poursuivi.
Mercredi, le chef de la police locale, Thomas Jackson, a annoncé sa démission après la publication d'un rapport accablant du ministère de la Justice qui détaillait les pratiques racistes de la police et de la municipalité de Ferguson, ville à majorité noire mais dont les responsables sont blancs.
Cette annonce n'a pas suffi à calmer les esprits. Et quelques heures plus tard, une soixantaine de personnes s'étaient rassemblées pour protester devant le commissariat.
Au moins 3 coups de feu
Selon John Belmar, les manifestants étaient en train de se disperser quand au moins trois coups de feu ont été tirés.
"Les deux policiers se trouvaient là lorsqu'on leur a tiré dessus. Simplement parce que c'était des policiers", a-t-il déclaré.
Selon un témoin, Markus Roehrer, l'ambiance était tendue, mais il a d'abord cru, en entendant les coups de feu, qu'il s'agissait de pétards, a-t-il raconté sur CNN.
"Quand j'ai vu les policiers tomber, je me suis dit que c'était bien pire", a-t-il dit.
La provenance des tirs indéterminée
Dans une vidéo amateur diffusée par CNN, on entend des tirs et on voit les gens fuir paniqués. On peut aussi entendre un gémissement, puis on voit des policiers s'affaisser.
La provenance des tirs n'a pas été clairement déterminée, a précisé John Belmar.
Selon Markus Roehrer, les coups de feu provenaient d'une certaine distance derrière les manifestants. "Leur mettre ça sur le dos serait totalement injuste", a-t-il encore déclaré à CNN.
Rapport dévastateur
La démission du chef de la police de Ferguson, réclamée par de nombreux militants et organisations des droits civiques, est intervenue une semaine après la publication du rapport accablant du ministère de la Justice.
Une enquête fédérale avait été lancée après la mort de Michael Brown. Un premier rapport avait conclu que cette enquête ne montrait pas "de comportement susceptible de poursuite judiciaire" du policier, déjà exonéré de poursuites au pénal par un jury local.
Mais un second rapport, dévastateur, s'était penché sur les pratiques policières au quotidien dans la ville montrant, chiffres à l'appui, l'inégalité de traitement réservée aux Noirs.
Courriers racistes entre policiers
Il pointait également un système violant parfois la légalité, où la police "sous pression de la municipalité, n'était plus un service public mais un outil pour gagner de l'argent" en générant toujours plus d'amendes, les Noirs là encore étant principalement les victimes.
Des courriers racistes étaient également échangés entre policiers ou employés de la ville.
Le chef de la police de Ferguson, Thomas Jackson, est la cinquième personne à quitter ses fonctions dans l'onde de choc de ce rapport. Le juge municipal Ronald Brockmeyer et le secrétaire général de la ville John Shaw ont aussi démissionné.
Des réformes radicales
Une responsable du tribunal municipal, accusée d'être l'auteur de courriels racistes, a été licenciée et deux policiers, soupçonnés également d'en avoir envoyés, ont démissionné.
Le maire de Ferguson, James Knowles, toujours en fonction, a promis des réformes radicales dans cette ville de 21.000 habitants, majoritairement Afro-américaine.
Après la publication du rapport, la famille avait annoncé qu'elle allait porter plainte au civil contre Darren Wilson et la municipalité pour "mort injustifiée".
Des preuves insuffisantes
Le policier, qui, entre-temps a quitté la police, n'a pas été inculpé, en raison de preuves insuffisantes, a indiqué mercredi le ministère de la justice.
En novembre, un grand jury avait décidé de ne pas engager de poursuites contre lui, déterminant qu'il n'y avait pas de raison suffisante pour intenter des poursuites contre lui.
"Pas un incident isolé"
Dans un pays où le spectre du racisme vis-à-vis de la population noire est toujours présent, le président Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, avait reconnu que le problème dépassait largement Ferguson.
"Je ne pense pas que ce (qui se passe à Ferguson) soit typique de ce qui se passe dans le pays mais ce n'est pas un incident isolé", a-t-il notamment affirmé la semaine dernière.