Directeur général de l’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch réagit à l’enlèvement de 90 chrétiens perpétré lundi par l’Etat Islamique au nord-est de la Syrie et met cette tragédie en perspective.
(DR / Oeuvre d'Orient)
Qui sont ces chrétiens qui ont été enlevés dans la province de Hassaké ?
Ces hommes appartiennent à la communauté des Assyriens. Ce sont des chrétiens non catholiques, proches de la tradition orthodoxe, qui avaient déjà fuit les massacres commis en Irak dans les années 1930. Je les connais bien. Ce sont des agriculteurs, des hommes de paix qui essayaient de travailler leurs terres.
Leur région était-elle particulièrement menacée ?
Leur région est une zone de conflit dans laquelle interviennent trois belligérants : les forces gouvernementales de Bachar al-Assad, les rebelles du Daesh et les Kurdes. Manifestement, cette prise d’otages intervient dans le cadre de la reprise d’un secteur kurde par l’Etat Islamique.
En quoi cette prise d’otages interpelle-t-elle la France ?
Chaque jour de retard pris dans la neutralisation du Daesh ne fait que le renforcer du point de vue stratégique, économique et symbolique. Cette reconquête territoriale est préjudiciable de ce point de vue. Il est temps que la France adopte une position diplomatique et militaire lisible en Syrie.
Faut-il reprendre langue avec Bachar el-Assad ?
C’est une évidence. Voilà quatre ans que notre diplomatie préconise son éviction du pouvoir et il n’a jamais été aussi puissant. Il faut remettre à plus tard la question de l’avenir politique du président de la Syrie – qui était encore l’invité officiel de la France lors du défilé du 14 juillet 2008 – pour faire de la neutralisation du Daesh une priorité.
Concernant les chrétiens d’Orient, peut-on parler d’un déni de réalité ?
Je suis stupéfait par la faiblesse de la réaction de la France après l’épouvantable mise en scène du massacre des 21 coptes, assassinés par Daesh sur les plages libyennes. La présidence de la République n’a même pas employé le mot « copte » dans son communiqué. Mais il faut voir les choses en face : en visant le « Royaume de la Croix » comme ils le disent, c’est bien l’Europe que l’Etat Islamique veut frapper au cœur.
Concrètement, que peuvent faire les Français pour ces chrétiens d’Irak et de Syrie ?
La priorité serait déjà de s’informer correctement pour combattre ce déni de réalité dont nous parlions. Plus concrètement, j’invite les citoyens français – qui ont manifesté leur attachement aux chrétiens d’Orient au-delà de leurs appartenances religieuses – à écrire à leurs représentants et élus pour les sommer de clarifier la position diplomatique de la France.
Pour revenir aux otages de la province de Hassaké, peut-on conserver espoir ?
Dans la grande tradition de l’Islam, les chrétiens sont rattachés aux religions du livre et ne sont pas mis à mort. On peut donc s’attacher à cet espoir. Si un malheur leur arrivait, cela prouverait une fois de plus que le rapport du Daesh à l’Islam est particulièrement flou. Mais au regard des horreurs récentes, il existe de lourdes raisons d’être inquiet.