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Attaque de Baga par Boko Haram : les survivants racontent

Les images satellites publiées par Amnesty International montrent le village de Doron Baga le 2 janvier (en haut) et le 7 janvier (en bas), des milliers de bâtiments et d'arbres ont été détruits. [Micah Farfour / Digitalglobe / Amnesty inter / AFP]

La plaie est toujours profonde. Allongé sur le côté, Moussa Zira montre l'impact de balle qu'il a reçue dans la cuisse la nuit où les islamistes de Boko Haram ont massacré 12 personnes dans son village du nord-est du Nigeria, début janvier.

 

Grièvement blessé, il s'est fait passer pour mort avant de s'enfuir en pirogue au Tchad voisin, jusqu'au camp de réfugiés de Baga Sola, sur l'autre rive du lac. La douleur est encore vive, Moussa Zira boîte, mais il se sait "miraculé".

"Les Boko Haram sont arrivés à quatre heures du matin et sont entrés dans chaque case, ils cherchaient les hommes. Ils nous ont salués puis nous ont dit de les suivre en brousse, qu'ils nous expliqueraient ensuite", raconte-il en haoussa.

Les islamistes ont pris 14 personnes en tout, "un homme par maison", dans les envions de la ville nigériane de Baga. "Il y avait un vieux parmi nous et ils lui ont dit de partir. Nous avons marché jusqu'au champ et ils ont dit à tout le monde de se coucher, face contre terre".

"Après avoir tiré en l'air une fois, ils se sont mis à nous tirer dessus" à bout portant, poursuit-il. Là, Moussa Zira a cru que tout était fini. "Peu après, j'ai compris que la balle n'avait pas touché ma tête, mais le bras et l'arrière de la cuisse. Autour de moi, ils étaient tous morts".

 

Tapi au milieu des cadavres

Pour que Boko Haram "ne l'achève pas", il est resté tapi au milieu des cadavres en attendant qu'ils partent, puis a rampé dans les hautes herbes pendant des heures avant de croiser une moto qui l'a aidé à fuir vers du lac.

Le Pasteur Yacubu Moussa, 43 ans, est l'un des rares chrétiens rescapés de l'attaque de Baga. La nuit du 3 janvier, lorsque Boko Haram est arrivé par surprise, la ville dormait.

"Ils se sont mis à tirer sur tout le monde sans distinction, hommes, femmes, petits enfants, et même vieillards", raconte-il.

Interrogé sur le nombre d'assaillants, il hésite, parle "de milliers d'hommes". Chiffre invérifiable. Mais le pasteur est sûr d'une chose: "il y avait des cadavres partout dans les rues" lorsqu'il s'est enfui.

Deux jours plus tard, Yacubu Moussa a tenté de revenir chez lui récupérer quelques affaires. Caché dans la brousse, il a vu "des corps flotter sur l'eau". "L'odeur était tellement forte qu'on la sentait de très loin".

De la ville, affirme-t-il , ne restait que des cendres: "ils avaient tout brûlé, nos maisons, nos magasins, les motos aussi".

Au camp de réfugiés, le pasteur dit se sentir bien seul, à l'heure de la prière, où les musulmans s'agenouillent tout autour de lui par dizaines. "Ici je n'ai rien à faire, je n'ai pas de fidèles, pas de lieu de culte, je n'ai même pas de bible".

 

14.000 personnes ont traversé la frontière

Depuis début janvier, plus de 14.000 personnes ont traversé la frontière pour fuir les attaques sanglantes autour de Baga, selon Mamadou Dian Balde, représentant adjoint du Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) au Tchad.

"Ils arrivent avec des histoires trop dures à entendre. L'autre jour, un homme est arrivé pour se faire enregistrer, il n'écoutait rien de ce que je lui disais, il ne faisait que pleurer: les Boko Haram ont jeté une grenade dans sa maison, sa femme et ses trois enfants sont morts sur le coup", raconte Idriss Dezeh, de la Commission nationale d'accueil, de réinsertion des réfugiés et des rapatriés.

Certains ont eu la chance d'arriver au camp avec toute leur famille... Assise devant une tente blanche, Aisha Aladji Garb, la poitrine opulente, allaite un minuscule nourrisson. Il y a deux semaines, elle lui a donné naissance dans la pirogue à bord de laquelle elle fuyait, raconte-elle.

En débarquant au Tchad, elle est tombée sur une patrouille de soldats tchadiens. "Ils ont pris soin de moi, ils m'ont fait monter dans leur camion et m'ont directement emmenée au camp où j'ai reçu de l'aide".

"C'est grâce à eux si mon bébé est en vie", dit-elle avec un large sourire. "Alors je l'ai appelé +Idriss Déby+", le nom du président tchadien...

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