Sept églises incendiées, appel aux expatriés à "éviter toute sortie": des manifestations violentes embrasaient samedi la capitale nigérienne Niamey contre la publication de la caricature de Mahomet dans l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo, au lendemain d'un "vendredi noir" dans la ville de Zinder.
En fin de matinée, un millier de jeunes s'étaient réunis près de la grande mosquée de Niamey, en dépit de l'interdiction du rassemblement par les autorités, aux cris de "A bas la France", "A bas Charlie Hebdo" ou encore "Allah Akbar" (Dieu est grand).
L'édifice avait été encerclé par quelques dizaines de policiers anti-émeute munis de casques et de boucliers, qui ont tenté de disperser les manifestants à coup de gaz lacrymogènes.
Plusieurs protestataires ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre, dont deux 4X4 ont été brûlés. Des pneus en flamme ont aussi été jetés dans un commissariat à proximité de la grande mosquée, a constaté un journaliste de l'AFP sur place.
"On va tout casser. Nous protégeons notre prophète. Nous allons le défendre même au péril de notre sang", a déclaré un manifestant, une grosse pierre à la main.
Les violences se sont ensuite étendues à plusieurs autres quartiers du centre de la capitale, dont celui de la cathédrale.
Sous les jets de pierres des protestataires, une centaine de policiers anti-émeute, munis de casques et de boucliers, protégeaient à 12H45 locales (11H45 GMT) la cathédrale catholique de Niamey. "Ils n’ont pas eu le temps d’y mettre le feu", a confié un policier nigérien à l'AFP.
Le correspondant de l'AFP sur place a vu deux, puis sept, églises incendiées, l'une d'entre elles parmi les plus anciennes de la capitale.
Des jeunes armés de gourdins, de barres de fer ou de pioches déambulaient par ailleurs dans plusieurs quartiers de la capitale en début d'après-midi samedi.
PMU saccagés et barricades
Plusieurs agences de l'entreprise française Pari mutuel urbain (PMU) et des kiosques publicitaires de l'opérateur téléphonique français Orange ont été saccagés dans la ville. Des lambeaux des kiosques étaient utilisés comme matériau de barricades.
L'ambassade de France à Niamey a invité ses ressortissants sur place à "éviter toute sortie" tandis que les membres de l'ONU étaient appelés à se tenir à l'écart de "tout attroupement" dans la capitale.
En milieu d'après-midi samedi, aucun bilan sur d'éventuelles victimes n'était disponible et les officiels nigériens ne s'étaient pas encore exprimés.
Ces violences surviennent au lendemain d'émeutes à Zinder, deuxième ville du Niger, qui a fait quatre morts et 45 blessés lors de manifestations anti-Charlie Hebdo vendredi soir.
Le Centre culturel franco-nigérien avait été incendié et trois églises saccagées dans cette agglomération proche du nord du Nigeria, où le groupe islamiste Boko Haram ne cesse de multiplier les massacres et d'étendre son contrôle sur des zones entières dans le nord-est du pays.
Réagissant sur les violences survenues à Zinder, le gouvernement de Niamey avait lancé une mise en garde : "Nous n'accepterons pas que la chienlit s'installe", avait averti vendredi soir le ministre de l'Intérieur Hassoumi Massaoudou sur les ondes de la radio publique.
Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, fait partie des six chefs d'Etat africains qui ont participé à la Marche républicaine le 11 janvier à Paris, après l'attaque terroriste qui avait décimé la rédaction de l'hebdomadaire français Charlie hebdo.
"Sa participation" à la marche "procède de son engagement contre le terrorisme et pour la liberté" et "ne signifie nullement un quelconque soutien aux dérives qui peuvent découler d'une certaine conception de la liberté de presse", avait corrigé jeudi Marou Amadou, le porte-parole du gouvernement.
De violentes manifestations ont rassemblé des foules nombreuses dans plusieurs pays comme le Pakistan, le Mali, l'Algérie ou le Sénégal pour dénoncer la publication par Charlie Hebdo, à la Une de son premier numéro après les attentats perpétrés à Paris, d'une caricature du prophète Mahomet.