Sous un feu nourri de très vives critiques des pays anglo-saxons critiquant l'action de la Russie dans la crise ukrainienne, Vladimir Poutine a décidé samedi d'écourter sa présence au sommet du G20 de Brisbane, plombé par une ambiance de guerre froide.
"Le programme pour la deuxième journée (pour M.Poutine) a changé. Il a été raccourci", a déclaré à l'AFP une source au sein de la délégation russe sous couvert d'anonymat, faisant référence à la journée de dimanche.
Le président russe participera aux réunions du sommet mais ne sera pas présent lors d'un déjeuner officiel prévu à 12H30 (02H30 GMT) et parlera devant la presse plus tôt que prévu. "Ce déjeuner est plus une sorte de divertissement", a justifié cette source.
Depuis vendredi, veille de l'ouverture du sommet dans cette ville de l'Est de l'Australie, les pays anglo-saxons ont multiplié les charges en règle contre la Russie et son rôle dans la crise ukrainienne.
"Menace pour le monde", quête de "gloire perdue du tsarisme", agresseur de pays plus petits: Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne n'ont pas mâché leurs mots.
Selon des informations de la presse canadienne, le Premier ministre Stephen Harper a même attaqué frontalement M. Poutine lors de leur première rencontre samedi matin: "J'imagine que je vais vous serrer la main, mais je n'ai qu'une seule chose à vous dire: vous devez sortir d'Ukraine".
L'Otan a confirmé cette semaine les affirmations de Kiev accusant la Russie d'avoir déployé des troupes et équipements militaires russes dans l'Est de l'Ukraine contrôlé par des rebelles prorusses, ce que Moscou a farouchement nié.
Sur place, cinq personnes ont été tuées par un tir de mortier dans une ville tenue par les séparatistes. Plus de 4.000 personnes sont mortes depuis le début du conflit en avril.
Tête à tête
La décision de M. Poutine d'écourter son séjour n'était pas immédiatement commentée par les diverses délégations interrogées par l'AFP, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et la France, alors que les leaders ont participé samedi soir à un dîner de travail.
Avant cette annonce, M. Poutine avait rencontré en tête à tête certains membres du groupe des pays les plus riches du monde, dont son adversaire David Cameron, et François Hollande.
Avec le premier, il a échangé une poignée de mains devant la presse mais ils n'ont pas commencé à parler publiquement, préférant un entretien à huis clos en marge du sommet, signe d'une grande tension selon les médias russes.
Un porte-parole du Kremlin a déclaré à l'issue de cette rencontre que les deux hommes avaient exprimé "un intérêt pour la restauration des liens (entre la Russie et l'Ouest) et l'adoption de mesures efficaces pour régler la crise ukrainienne, ce qui facilitera l'abandon de sentiments conflictuels".
Les médias britanniques ont eux cité une source proche de Downing Street affirmant que M. Cameron "a été clair". Soit l'accord de Minsk du 5 septembre sur un cessez-le-feu est appliqué et cela améliorera les relations. "Ou bien nous pouvons voir les choses d'une manière très différente en termes de relations entre la Russie et le Royaume-Uni, l'Europe et les Etats-Unis".
La Grande-Bretagne avait déjà menacé vendredi la Russie de nouvelles sanctions internationales.
En revanche, avec François Hollande, les deux hommes ont commencé à dialoguer devant les journalistes, appelant à l'apaisement, alors que Paris et Moscou sont en litige sur la livraison à la Russie, suspendue par la France, de navires de guerre Mistral.
"Il faut faire tout notre possible pour minimiser les risques et les conséquences négatives pour nos relations bilatérales", a déclaré Vladimir Poutinedans ses premiers échanges avec M. Hollande.
Selon une source française, les deux hommes n'ont pas parlé du Mistral.
Ces échanges diplomatiques ont éclipsé les autres temps forts de cette première journée du sommet de Brisbane, où environ un millier d'opposants ont manifesté dans le calme: la relance de la croissance, le climat et Ebola.
Sur le climat, l'hôte australien n'avait pas souhaité en faire une de ses priorités, mais Barack Obama en a décidé autrement le mettant au coeur des débats, et la place de la lutte contre le changement climatique dans le communiqué final prévu dimanche est ardue, selon plusieurs sources proches des délégations.
"Si la Chine et les Etats-Unis peuvent se mettre d'accord à ce propos, alors le monde peut trouver un accord", a déclaré à l'université de Brisbane M. Obama, qui surfe sur les questions climatiques depuis l'annonce surprise mercredi d'un accord avec la Chine pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L'Australie, elle, veut parler de croissance: "Quand vous observez le monde, il y a plein de difficultés (...), mais le message que nous devrions donner au cours de ces deux jours est un message d'espoir et d'optimisme: oui notre monde peut avoir de la croissance", a déclaré M. Abbott samedi.
Barack Obama a lui aussi insisté sur l'importance de doper l'activité. "On ne peut pas s'attendre à ce que les Etats-Unis portent l'économie mondiale sur leur dos", a-t-il dit.