A peine nommé, le nouveau gouvernement de transition centrafricain était déjà contesté samedi, en particulier par l'ex-rébellion Séléka qui affirme ne pas y avoir de représentants mandatés.
"L'ex-coalition Séléka n'a mandaté personne pour la représenter au sein du nouveau gouvernement formé (vendredi) par le Premier ministre Mahamat Kamoun", a réagi Mohamed Moussa Dhaffane, No 3 de l'ex-rébellion.
"Ceux qui sont entrés dans le présent gouvernement ont agi en leur nom, mais pas au nom de Séléka", a-t-il assuré.
Trois personnalités nommées au gouvernement - les ministres des Transports, des Postes et télécommunications et de l'Elevage - sont issues de la Séléka, ex-rébellion à dominante musulmane qui avait pris le pouvoir à Bangui en mars 2013 avant d'en être évincée en janvier 2014 par l'intervention de l'armée française.
Estimant que son avis n'a "pas été pris en compte" dans la composition du nouveau cabinet, pourtant dirigé par un musulman, la Séléka "se donne le droit de reconsidérer les engagements pris au forum de Brazzaville" fin juillet, a ajouté Mohamed Moussa Dhaffane.
Un fragile accord de cessez-le-feu avait été arraché sous la pression internationale le 23 juillet dans la capitale congolaise, entre les deux principaux acteurs de la crise centrafricaine, l'ex-Séléka et les milices majoritairement chrétiennes anti-balaka.
Il a été été violé à plusieurs reprises sur le terrain depuis lors, de nouveaux affrontements ayant déjà fait plusieurs dizaines de morts à Bangui et en province.
L'accord de Brazzaville est également censé relancer une transition politique en panne, alors que la présidente Catherine Samba Panza, nommée en janvier après le désastreux passage au pouvoir de la Séléka, a jusque-là échoué à faire cesser les violences et à rétablir un Etat devenu fantôme.
-'Agitations' et 'blocages'-
Dans la foulée de Brazzaville, le gouvernement sortant a démissionné et Mahamat Kamoun, un haut fonctionnaire venu de la minorité musulmane, a été désigné Premier ministre par Mme Samba Panza.
Cette nomination suprise (la communauté internationale notamment avait clairement un autre candidat) n'a cessé de susciter polémiques et discussions, la Séléka affirmant que son point de vue a été ignoré.
Devant cette levée de boucliers, la présidente Samba Panza a dénoncé ces "agitations" et "blocages" destinées selon elle à "destabiliser la transition". Elle a réaffirmé son choix "discrétionnaire" de nommer M. Kamoun à la primature, lui rendant un hommage appuyé. "Il faut donner l'occasion au nouveau Premier Ministre de faire ses preuves", a-t-elle plaidé.
Après trois longues semaines de tractations, le gouvernement dévoilé vendredi par M. Kamoun se veut consensuel, ratissant large - 31 ministres contre une vingtaine dans le précédent -, et intégrant à peu près tous les profils de la scène politique centrafricaine actuelle - société civile, partis politiques et groupes armés.
Les milices anti-balaka y comptent deux représentants, et n'ont jusqu'à présent pas publiquement réagi.
Quelques voix se sont élevées pour protester du côté des formations politiques, notamment le groupement de partis GPP-RTL qui rassemble l'ancienne majorité du président François Bozizé renversé en 2013 par la Séléka.
"Nous n'avons désigné personne pour être membre du gouvernement (...) Nous n'avons rien contre Mahamat Kamoun, mais il fut directeur de cabinet de l'ancien président Michel Djotodia (chef de l'ex-Séléka qui a dirigé le pays pendant un an) qui a laissé un passé plein de mauvais souvenirs au peuple", a déclaré à l'AFP l'un des porte-parole de la coalition GPP-RTL, Mohamed Bengué Bossin.
Certains membres de la principale coalition de société civile ont également dénoncé la nomination de personnalités issues de leurs rangs sans concertation préalable.
"S'il y a des personnalités se réclamant de la société civile, elles n'ont pas été choisies par la société civile", a affirmé Joseph Bindoumi, président de la Ligue centrafricaine des droits de l'homme.
Ces contestations restent pour le moment limitées et apparaissent relativement inévitables quand il s'agit de se partager les postes.
De même, l'ex-rébellion Séléka, aujourd'hui la plus critique contre le gouvernement Kamoun, reste divisée et fragmentée, affaiblie politiquement et présente sur le terrain uniquement dans le nord musulman du pays.
Ses responsables s'accordent néanmoins pour exiger désormais la signature d'un accord politique et le remplacement de M. Kamoun par un autre Premier ministre, un retour à la case départ en quelque sorte.