L'accusation s'est attachée lundi à montrer qu'Oscar Pistorius, double amputé jugé pour meurtre, est beaucoup plus mobile que ne l'affirme sa défense, s'inspirant visiblement d'une vidéo diffusée dimanche par une télévision australienne montrant l'athlète qui court sur ses moignons.
Au 38e jour du procès à Pretoria du champion paralympique sud-africain, accusé d'avoir assassiné son amie Reeva Steenkamp en février 2013, le procureur Gerrie Nel avait certainement cette vidéo en tête quand il a mis en doute la version du médecin sportif Wayne Derman.
Cité par la défense, ce dernier affirme que Pistorius était psychologiquement vulnérable et n'a qu'une mobilité limitée sur ses moignons. Ces deux facteurs peuvent, selon lui, expliquer que Pistorius ait tiré le 14 février 2013 sur la porte derrière laquelle se trouvait Mme Steenkamp, un mannequin de 29 ans qu'il a abattue de quatre balles.
Dimanche, la chaîne australienne Channel 7 a diffusé une vidéo épousant fidèlement la thèse de l'accusé, dans laquelle Pistorius court - ou marche vite - sur ses moignons, bras tendu en avant, main serrée comme s'il tenait un pistolet. Dans un autre extrait, on voit l'athlète reculer, toujours sur ses moignons.
"Puis-je vous demander s'il a jamais été montré, à votre connaissance, que M. Pistorius peut marcher à reculons sur ses moignons?", a demandé le procureur sans évoquer la vidéo, réalisée pour la défense par une entreprise américaine.
"Cela n'a jamais été montré, pour moi", a répondu le médecin, qui suit Pistorius depuis six ans.
Gerrie Nel cherche à montrer que Pistorius, 27 ans, s'est volontairement déplacé vers la salle de bains pour abattre son amie Reeva Steenkamp.
"L'accusé avait au moins la possibilité de fuir, même de sortir de la chambre, ai-je raison?", a demandé M. Nel, suggérant que Pistorius s'est rendu coupable de négligence criminelle en choisissant de tirer.
Depuis le début, Pistorius plaide non coupable et soutient qu'il a abattu Reeva Steenkamp par accident, croyant qu'un cambrioleur était caché dans ses toilettes. L'accusation pense au contraire qu'il l'a tuée sciemment lors d'une dispute.
Il risque jusqu'à 25 ans de prison.
Si personne n'a mentionné la vidéo au tribunal, les avocats de l'athlète avaient protesté avec véhémence dimanche, jugeant sa diffusion illégale.
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"Nous n'aurions pas pu diffuser cette séquence si nous pensions l'avoir obtenue de manière illégale", a justifié Mark Llewellyn, producteur exécutif chez Channel 7, sans préciser comment il s'est procuré les images.
- 'Je ne hais pas Oscar' -
"L'émission a été diffusée uniquement en Australie et n'est disponible dans aucun autre territoire", a-t-il ajouté, même si la vidéo a été largement reprise sur internet.
Dénonçant la fuite, l'équipe de défense de Pistorius a menacé de poursuites quiconque diffuserait cette vidéo.
La vidéo ne pourra être prise en considération par la juge Thokozile Masipa que si la défense ou l'accusation l'ajoutent au dossier, ce qu'elles n'ont pas envisagé de faire lundi.
Selon Stephen Tuson, un professeur de droit de l'université du Witwatersrand à Johannesburg, cité lundi par le quotidien The Times, la juge aurait théoriquement pu décider d'interrompre le procès après la fuite de la vidéo, car celle-ci pourrait être comparée au cambriolage du bureau d'un avocat après lequel des pièces seraient vendues à l'accusation.
Après avoir en vain cherché à appeler à la barre Carla Kotze, la psychiatre qui représentait le Parquet au cours de l'examen auquel a été soumis l'accusé en juin, l'avocat de Pistorius, Barry Roux, a indiqué qu'il pensait en avoir fini avec l'appel de ses témoins. Mais il ne confirmera sa décision que mardi matin et a obtenu un ajournement de l'audience jusque-là.
Le procureur Gerrie Nel pourrait alors demander à appeler de nouveaux témoins. Accusation et défense transmettront ensuite leurs conclusions par écrit à la juge Masipa.
Le magazine britannique Hello! a parallèlement publié lundi une interview de la mère de la victime, June Steenkamp, qui dit qu'elle a enfin pardonné à l'athlète.
"Je ne hais pas Oscar", a-t-elle déclaré.
"Je lui ai pardonné, je le dois... C'est ma religion. Mais je suis déterminée à l'affronter (...). Il est important qu'il sache que je suis là, que la mère de Reeva, qui lui a donné naissance et l'aimait, est là pour elle."