Les opposants au coup d'Etat militaire en Thaïlande, bravant l'interdiction de manifester et les menaces d'arrestation, ont adopté le salut à trois doigts des films à succès "The Hunger Games" pour défier la junte.
Le geste est devenu un symbole de résistance contre un régime militaire qui a suspendu la démocratie et largement limité la liberté d'expression.
"Montrer les trois doigts est devenu un symbole pour appeler à des droits politiques de base dans un pays dirigé par une personne", le général Prayut Chan-O-Cha, a écrit sur Facebook Sombat Boonngamanong, célèbre militant recherché par la junte.
Certains Thaïlandais critiques du putsch du 22 mai ont posté sur les réseaux sociaux des photos d'eux faisant ce salut qui consiste à lever les trois doigts du milieu, dont la fille de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, renversé par le précédent coup d'Etat en 2006.
"Chers #HungerGames. Nous avons fait nôtre votre signe. Notre lutte n'est pas une fiction", a écrit un internaute sur Twitter.
La série de films "The Hunger Games" met en scène une société totalitaire dominée par les oligarques du Capitole qui font régner la terreur dans des districts où s'entasse la majorité de la population.
Le salut est au départ un geste de remerciement, d'admiration et d'au revoir adressé à un proche. Mais il devient ensuite un symbole de la révolte contre le régime qui organise notamment des jeux télévisés où les candidats de chaque district doivent s'entretuer.
En Thaïlande, certains manifestants expliquent également que le geste est une référence à la devise française "Liberté, Egalité, Fraternité", héritage de la Révolution de 1789.
L'armée, qui a imposé la loi martiale, un couvre-feu de nuit et un contrôle des médias, a prévenu que les gens faisant le salut pourraient être arrêtés, en vertu de l'interdiction de tout rassemblement de plus de cinq personnes.
"S'ils se rassemblent, avec plus de cinq personnes et montrent le symbole des trois doigts, alors c'est illégal", a déclaré à la presse le porte-parole de la junte Winthai Suvaree, tout en laissant entendre que ceux qui postaient des photos sur internet ne seraient probablement pas interpellés.
- Répression des manifestations -
Depuis le putsch, des petites manifestations ont lieu quasi quotidiennement dans la capitale.
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Le week-end dernier, des milliers de soldats et de policiers avaient été déployés à Bangkok pour décourager ces opposants qui ont malgré tout organisé des rassemblements éclair à travers le centre-ville dimanche. Six d'entre eux ont été interpellés.
Certains militants ont également été vus lisant dans la rue "1984", le roman de George Orwell dénonçant le totalitarisme.
L'armée a prévenu les manifestants, ainsi que leurs familles, qu'ils risquaient des poursuites en cour martiale.
La réponse de la junte "révèle un état d'esprit totalitaire qui considère le respect des droits de l'Homme comme une entrave à l'exercice du pouvoir", a dénoncé mardi Brad Adams, responsable de l'ONG Human Rights Watch pour l'Asie.
"Le salut à trois doigts des Hunger Games adopté par les manifestants à Bangkok est un acte symbolique de défi pacifique par ceux qui reconnaissent -- comme ceux des districts rebelles du film-- qu'ils n'ont pas beaucoup de chance de succès, mais qui décident avec courage de faire entendre leur voix malgré tout", a-t-il ajouté.
L'armée a expliqué avoir pris le pouvoir pour restaurer l'ordre public après sept mois de manifestations contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin.
Le général Prayut a indiqué la semaine dernière qu'il n'y aurait pas de législatives avant au moins un an, pour permettre dans l'intervalle la rédaction d'une nouvelle Constitution et tenter de mettre un terme à près de dix ans de troubles politiques.
Depuis le putsch de 2006, le royaume est en effet englué dans une série de crises entre les ennemis et les partisans de Thaksin. Malgré son exil, le milliardaire reste le facteur de division de la société entre les masses populaires du Nord et du Nord-Est, qui lui sont fidèles, et les élites de Bangkok proches du palais et soutenues par l'armée, qui le voient comme une menace pour la monarchie.