Près de 800.000 électeurs de Guinée-Bissau sont appelés dimanche à voter pour le second tour de l'élection présidentielle dans l'espoir de ramener la stabilité dans ce pays au passé politique tumultueux, deux ans après l'énième coup d'Etat de son histoire.
Ce putsch, qui a renversé le régime du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC, principale formation du pays), a eu lieu le 12 avril 2012, entre deux tours d'une présidentielle interrompue de facto.
Depuis l'annonce du calendrier électoral - le premier tour de la présidentielle couplée à des législatives s'est tenu le 13 avril -, des appels à un vote calme et au respect du verdict des urnes ont été régulièrement lancés, dans le pays comme à l'étranger, tant reste forte la peur d'un nouveau dérapage.
C'est que la Guinée-Bissau, ex-colonie portugaise de 1,6 million d'habitants, ne compte plus les coups d'Etat depuis son indépendance en 1974: rares sont les dirigeants ayant pu finir leur mandat sans être renversés ou assassinés.
Cette instabilité politique et la pauvreté ont facilité l'implantation de trafiquants de drogue avec la complicité présumée de hauts responsables de l'armée.
Selon le chef du bureau de l'ONU à Bissau, José Ramos Horta, l'armée a promis d'accepter les résultats du scrutin de dimanche. Fin avril, les deux candidats avaient déjà pris le même engagement en public à Bissau.
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Les électeurs doivent choisir entre José Mario Vaz dit "Jomav", 57 ans, du PAIGC, et Nuno Gomes Nabiam, 51 ans, sans étiquette mais notoirement soutenu par le Parti de la rénovation sociale (PRS, deuxième formation du pays) et des chefs de l'armée.
M. Vaz, ancien ministre des Finances, est réputé bon gestionnaire. M. Nabiam, ingénieur formé en Russie et ayant vécu 17 ans aux Etats-Unis, est depuis 2012 le directeur national de l'aviation civile.
Tous deux sont arrivés en tête au premier tour le 13 avril (M. Vaz avec 40,89% des voix devant M. Nabiam qui a eu 24,79%). Le scrutin s'est déroulé sans incidents et a été marqué par un taux de participation record de 89,29%.
La campagne pour le second tour, qui a duré deux semaines, s'est aussi déroulée dans le calme et a pris fin vendredi dans une ambiance de carnaval.
- Relever "un pays exsangue" -
Rien ne permet de faire un pronostic sur l'issue du second tour, estime-t-on dans les milieux politiques à Bissau. Chacun des candidats a reçu le soutien de plusieurs partis politiques et adversaires battus au premier tour.
Sur le terrain, "le PAIGC est mieux implanté parce que c'est le plus grand parti du pays. Naturellement, son candidat part favori. Mais cela ne signifie pas qu'il faut sous-estimer Nuno Nabiam qui a le soutien du PRS et de toute la haute hiérarchie militaire", a affirmé Bamba Koté, analyste politique bissau-guinéen.
"La grande inconnue", selon M. Koté, c'est "le rôle de l'armée, si on tient compte du fait qu'elle est intervenue en 2012 pour interrompre le processus" électoral.
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Le putsch a été dirigé par l'actuel chef de l'armée, le général Antonio Indjai. De notoriété publique à Bissau, Nuno Gomes Nabiam est apprécié de lui mais l'entourage du candidat et la hiérarchie militaire réfutent tout soutien de l'armée à M. Nabiam.
A leurs meetings de clôture vendredi, les deux candidats ont exhorté au rassemblement, M. Vaz estimant que le nouveau président aura la "grande responsabilité (...) de mettre un pays exsangue sur les rails".
Plus des deux tiers des habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté et les fonctionnaires peuvent rester plusieurs mois sans être payés. Entre mars et avril, des enseignants ont observé plus de 30 jours de grève pour réclamer quatre à cinq mois d'arriérés de salaires et diverses primes.
Le nouveau président devra aussi composer avec une armée toute puissante et pléthorique, héritage de la guerre de libération contre le Portugal que les différents régimes en place depuis 40 ans ont vainement tenté de réformer.
Les bureaux de vote doivent être ouverts dimanche de 07H00 à 18H00 GMT.
Plusieurs organisations nationales et internationales, dont la Commission économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays), ont déployé des observateurs pour superviser le scrutin. La sécurité est assurée par des forces bissau-guinéennes et de la Cédéao.