Salué comme le sauveur de la nation pour avoir destitué l'islamiste Mohamed Morsi, l'ex-chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi peut compter pour la présidentielle sur les voix des chrétiens d'Egypte, qui voient en lui le rempart contre les extrémistes.
Les Coptes, la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient, sont de longue date la cible de violences, qui ont atteint un niveau sans précédent l'été dernier, lorsque des dizaines d'églises ont été attaquées en représailles à la destitution de M. Morsi et à la répression lancée contre ses partisans.
Désormais, nombre de Coptes comptent voter pour le candidat Sissi, donné favori du scrutin des 26 et 27 mai, afin qu'il poursuive cette implacable répression.
"C'est le sauveur du pays. Sous les Frères musulmans, les chrétiens étaient persécutés", lance avec conviction Maged Sabri, venu à la messe du vendredi dans le quartier populaire de Choubra.
Durant des décennies, l'Egypte a été dirigée d'une main de fer par des présidents militaires qui lançaient régulièrement des campagnes d'arrestations de Frères musulmans.
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Les Coptes "espèrent qu'avec Sissi sera remis en place un système sécuritaire qui leur permettra d'être moins vulnérables face aux attaques", explique Mariz Tadros, de l'Université du Sussex.
De longue date, les chrétiens d'Egypte se disent victimes de discriminations de la part des autorités et de violences confessionnelles, mais le discours islamiste de M. Morsi et la rhétorique virulente de ses partisans a effrayé encore un peu plus la communauté.
"Sans (l'intervention de Sissi), les Frères musulmans auraient pris le contrôle de l'Etat", estime un fidèle de l'Eglise de la Vierge au Caire.
Le patriarche des Coptes orthodoxes d'Egypte Tawadros II a salué M. Sissi pour avoir "sauvé" le pays mais s'est refusé à donner une consigne de vote.
- Aggravation des violences -
Le haut dignitaire chrétien était au côté de M. Sissi lorsque ce dernier, alors chef de l'armée, est apparu le 3 juillet à la télévision pour annoncer l'éviction de M. Morsi.
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Depuis, les islamistes ont utilisé cette image pour dénoncer le rôle central, selon eux, des Coptes dans le coup de force des militaires contre le premier président démocratiquement élu du pays, dont des millions d'Egyptiens avaient cependant réclamé le départ quelques jours plus tôt.
Le 14 août, quand la police a tué des centaines de manifestants pro-Morsi au Caire, des islamistes ont brûlé des églises, des commerces et des maisons de Coptes à travers le pays, ravivant la crainte des violences confessionnelles, un fléau qui sévit de longue date dans le plus peuplé des pays arabes.
Mais M. Sissi n'a pas toujours été le héros des Coptes. En 2011, quand il était membre de la junte militaire assurant l'intérim après la chute du président Hosni Moubarak, 26 Coptes et trois soldats ont été tués dans des heurts devant les locaux de la télévision au Caire.
"Les chrétiens, ces fils de chien, nous ont attaqués!", avait alors lancé un soldat à la télévision officielle.
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Ces heurts avaient éclaté en marge d'une manifestation dénonçant l'incendie d'une église dans le sud du pays et des heurts confessionnels meurtriers durant les mois qui ont suivi la révolte de 2011.
Pour beaucoup de Coptes, les violences ont ensuite franchi un nouveau palier sous la présidence Morsi, avec l'attaque de la police contre le siège du patriarcat au Caire en 2013, et encore un autre après l'éviction du président islamiste.
Toutefois, tous les chrétiens ne sont pas prêts à s'en remettre à un homme fort issu de l'armée, et plusieurs préviennent qu'ils continueront à lutter pour défendre leurs droits et accéder aux plus hautes instances de l'Etat.
Les jeunes et les militants pourraient même apporter leur voix au seul rival de M. Sissi, le leader de gauche Hamdeen Sabbahi.
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Mais sous les trois décennies de présidence Moubarak, l'Eglise était la seule institution autorisée à s'exprimer au nom des Coptes et cette tradition pourrait perdurer, affirme Ishak Ibrahim, chercheur au sein de l'Initiative égyptienne pour les droits de la personne.
"Le nouveau pouvoir politique cherche à se servir des autorités religieuses traditionnelles" car "il veut un soutien populaire et ces institutions peuvent le lui apporter", dit-il.