La première apparition publique après sa réélection du président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui a prêté serment en fauteuil roulant et d'une voix hésitante, a relancé le débat sur sa capacité à diriger le pays.
Une partie de la presse algérienne manifestait mardi des inquiétudes à l'orée de ce quatrième quinquennat, à l'image du quotidien El Watan qui titrait "Un saut dans l'inconnu" en expliquant que les "fastes et les artifices" de la cérémonie n'avaient "pu dissimuler l'extrême faiblesse physique" du chef de l'Etat.
M. Bouteflika, 77 ans, a été victime il y a un an d'un AVC qui a nécessité près de trois mois d'hospitalisation à Paris.
Mais les séquelles de l'attaque ne semblent pas s'estomper, malgré les assurances d'un entourage qui répète que la santé du président s'améliore "de jour en jour" et qu'il jouit de toutes ses capacités intellectuelles.
Le quotidien El Khabar rappelle que la cérémonie de prestation de serment, procédure incontournable prévue par la Constitution, a été conçue pour démontrer que M. Bouteflika "+gère le pays avec ses sa tête et non ses pieds+", selon l'expression de l'un des proches ayant fait campagne en son nom, le ministre de l'Industrie Amara Benyounès.
Mais, juge le journal, le chef de l'Etat "a fourni la preuve de son incapacité à assurer ses missions".
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Nombre de journaux mettaient en exergue l'incapacité de M. Bouteflika à lire le discours de dix pages qui a été distribué à la presse.
Lundi, assis dans un fauteuil roulant et la main droite sur le Coran, M. Bouteflika a répété d'une voix faible un texte en arabe de 94 mots lu par le président de la Cour suprême, Slimane Boudi. Puis il a commencé à lire son discours, avant de s'interrompre au bout d'une seule page, le souffle court.
Il a ensuite entamé son nouveau quinquennat par la nomination d'Abdelmalek Sellal, un de ses soutiens les plus fidèles, au poste de Premier ministre, qu'il avait abandonné en mars pour diriger la campagne du président.
El Khabar faisait sa manchette sur ce "discours inachevé", dans lequel M. Bouteflika évoquait ses engagements pour son nouveau mandat.
'Le débat médical continue'
Le journal Liberté évoquait une "cérémonie expéditive" et relevait aussi que M. Bouteflika n'avait "lu que le préambule de son discours" et confondu "+scrutin+ et +référendum+".
"La prestation d'hier nous a ramenés, une fois de plus, à la question têtue de la capacité du président à assumer réellement sa charge", analysait Le Quotidien d'Oran.
"Le régime peut affirmer que tout est en ordre, le débat médical continue avec ses prolongements politiques", écrivait encore le journal.
El Watan comparait la prestation de serment de lundi à un grand oral où M. Bouteflika, "handicapé par la maladie" et "contraint de puiser dans ses maigres ressources" a été finalement "recalé".
"Les Algériens qui ont suivi à la télévision ce moment tragicomique avaient mal pour l'Algérie en voyant ces images peu rassurantes sur l'état de santé de Bouteflika, qui présidera aux destinées du pays pendant les cinq prochaines années", notait El Watan.
Interrogé par l'AFP, le politologue Rachid Grim a déclaré avoir vu "un président qui souffre vraiment".
"Il a mené à bien ce que la Constitution l'oblige à faire mais il n'en est pas sorti grandi", poursuit M. Grim, en avouant "un sentiment de gêne".
De son côté, le mouvement d'opposition Barakat a annoncé avoir envoyé un courrier au Conseil constitutionnel pour demander une procédure d'empêchement du président.
L'article 88 de la Constitution dispose en effet qu'en cas de "maladie grave et durable", le Conseil constitutionnel peut proposer à l'unanimité au "Parlement de déclarer l'état d’empêchement".
La demande de Barakat s'appuie sur les images de la prestation de serment montrant que le président "n'a pas pu lire tout son texte et s'est contenté d'un paragraphe sur les 29 du discours", a déclaré une responsable du mouvement, Amina Bouraoui.