Au moins 14 morts le 6 février aux portes de Ceuta, des arrivées massives de clandestins à Melilla: l'Espagne et ses enclaves du nord du Maroc se retrouvent face à une nouvelle poussée migratoire, en pleine polémique sur l'action des forces de l'ordre.
"Nous hébergeons actuellement 1.041 personnes et depuis le début de l'année, nous n'avons pas réussi à descendre sous les 900 résidents", témoigne Carlos Montero Diaz, le directeur du Ceti, le centre d'hébergement gouvernemental de Melilla, qui compte 480 places et déborde sous le flot des migrants.
Le dernier assaut s'est produit à l'aube du 17 février, lorsque 150 immigrants subsahariens ont franchi la triple barrière grillagée, haute de sept mètres, qui sépare le Maroc de la ville de Melilla.
Un mur contre l'immigration venue d'Afrique et du Maghreb, qui ne parvient pas à contenir les tentatives d'entrée en Espagne. Car Melilla, avec l'autre enclave de Ceuta, constitue la seule frontière terrestre entre le continent africain et l'Europe.
"Depuis le début de l'année, 300 personnes sont parties vers la péninsule. Mais il en est arrivé encore plus", raconte Carlos Montero.
Le centre a appelé à l'aide l'armée, qui lui a prêté quatre tentes pour héberger 80 personnes. Mais ses besoins ne cessent de croître, afin de fournir des produits de première nécessité à ceux qui arrivent, démunis de tout.
"Nous avons dû demander plus de vêtements. Parce que les stocks étaient épuisées", ajoute le directeur. "Il nous faut des couvertures, des chaussures..."
Selon lui, un millier de migrants d'Afrique subsaharienne attendraient aux portes de la ville, sur les pentes du mont Gurugu, le moment propice pour tenter leur chance.
Ces derniers mois, est arrivée aussi via le Maroc une vague d'immigrants syriens, poussés hors de leur pays par la guerre. Ils seraient eux aussi un millier, espérant entrer en Espagne via un poste frontière.
"Et cela n'a pas l'air de vouloir se calmer. Au contraire, la pression est de plus en plus forte", s'inquiète Carlos Montero.
- L'Espagne rappelée à l'ordre -
Sur le détroit de Gibraltar, à quelques kilomètres des côtes de l'Espagne continentale, l'autre enclave de Ceuta subit elle aussi une pression accrue.
Le 6 février, une tentative d'entrée en force menée par plusieurs centaines de clandestins subsahariens a tourné à la tragédie lorsque certains ont voulu contourner l'épi frontalier qui s'avance dans la mer, échappant aux forces marocaines pour se trouver face à la Garde civile espagnole.
Au moins 14 d'entre eux sont morts noyés.
Depuis, la polémique fait rage en Espagne.
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Déjà sous le feu des critiques pour avoir, fin 2013, réinstallé des barbelés en certains points de la frontière à Melilla, le gouvernement de droite a cette fois reconnu que la Garde civile avait utilisé à Ceuta des balles en caoutchouc, mais jamais en visant directement les clandestins.
Des migrants, dont les témoignages recueillis au Maroc ont été diffusés par des défenseurs des droits de l'Homme, ont affirmé au contraire que la police avait tiré des balles en caoutchouc en direction de ceux qui se trouvaient dans l'eau, souvent sans savoir nager.
Madrid s'est fait rappeler à l'ordre par la Commission européenne, qui lui a demandé des "explications".
Embarrassé, le ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, s'est défendu, ses services faisant savoir que l'Espagne avait déjà, "dans le cadre de l'Union européenne, demandé une aide financière pour lutter contre l'immigration clandestine".
Mais le gouvernement a annoncé parallèlement que la loi sur les étrangers, qui prévoit une assistance à tous les immigrants arrivant sur le sol espagnol, serait modifiée.
"La loi n'est pas pensée pour des événements tels que les bousculades de Ceuta ou Melilla. Ce n'est pas la même chose de contrôler la frontière à Barajas, l'aéroport de Madrid, ou à Melilla", a affirmé mercredi le ministre. "Nous travaillons à une réforme pour mieux contrôler les frontières", a-t-il ajouté.
De quoi s'attirer de nouvelles critiques. Comme celles du syndicat UGT pour qui "le gouvernement rejoint la vague d'intolérance et de rejet de l'immigration qui s'étend en Europe".