Polina Jerebstova a 14 ans lorsque la deuxième guerre de Tchétchénie éclate*. Pendant cette sombre période, elle raconte dans son journal intime son quotidien à Grozny et l'horreur du conflit. Alors que le témoignage de Polina Jerebtosva vient de paraitre en France, Le journal de Polina, une adolescence tchétchène, DirectMatin.fr a rencontré cette survivante.
Sous sa frange blonde peroxydée, les yeux de Polina Jerebtsova témoignent de sa vivacité. A 29 ans, cette survivante du conflit russo-tchétchène veut raconter au plus grand nombre les horreurs de la guerre, "pour éviter que d'autres personnes ne vivent ce que j'ai vécu".
Le froid, la faim, les bombardements, les morts aux coins des rues, les appartements en ruine où elle réside avec sa mère au milieu des rats, la peur… Polina rapporte dans son journal intime son quotidien d'adolescente prise dans les tourments de la guerre. "Maman et moi avons été blessées hier […] Voici ce que j'ai vu : une femme tuée, assise à son stand ; des blessés qui se cachaient dans des cafés et des halls d'immeuble ; des hommes, des secouristes volontaires qui triaient les victimes du bombardement", écrit-elle après avoir eu la jambe transpercée par les éclats de l'obus tombé sur le marché central.
Page du journal original. © Polina Jerebtsova
La jeune femme est issue d'une famille très cultivée où la littérature occupe une place importante. "A l'âge où les enfants lisaient des contes, je me nourrissais de Dumas, Hugo, Shakespeare". Ainsi, aussi loin qu'elle se souvienne, Polina a toujours a toujours tenu un journal. Mais quand la deuxième guerre débute, ce qui n'était qu'une tradition familiale devient un besoin presque vital. Pour ne pas sombrer dans la folie, comme de nombreux autres. "J'étais persuadée que j'allais mourir. Et j'avais cette idée enfantine que mon journal serait retrouvé dans la rue et qu'il servirait à d'autres", dit-elle également.
Son écriture est simple, sans fioritures. Pour Polina raconter les horreurs de la guerre "tranquillement" c'était sa manière de se préserver et de témoigner sans juger.
Le récit de Polina s'arrête en 2002. Deux ans après, sa mère et elle parviennent à quitter la Tchétchénie vers la Russie. Une fois encore, les deux femmes vivront "dans une grande précarité". En 2006, Polina reçoit l'aide de l'écrivain Alexandre Soljenitsyne et s'installe à Moscou.
C'est là en 2011, qu'après de multiples refus, un petit éditeur accepte de publier son journal. "Les gens avaient peur, c'est encore un sujet tabou en Russie", souligne-t-elle. Un sujet presque interdit. Il ne fait pas bon critiquer la politique russe à l'égard de la Tchétchénie. Peu après la publication, Polina et son mari reçoivent ainsi des menaces de mort, sont harcelés et même agressés à plusieurs reprises...
* La première guerre de Tchétchénie s'est déroulée de 1994 à 1996. La deuxième guerre (appelée "opération anti-terroriste" par les autorités russes) a éclaté en 1999 et a pris fin en 2006.
Le journal de Polina, une adolescence tchétchène, de Polina Jerebtsova. Books Editions/France Culture.