Les rebelles du Cachemire menacent de mener une vague "sans précédent" d'attaques contre des cibles indiennes, ajoutant à la tension frontalière qui menace déjà les laborieuses tentatives de rapprochement entre l'Inde et le Pakistan.
Plusieurs incidents meurtriers à la frontière ont tendu ces dernières semaines les relations entre les deux voisins. S'y ajoute aujourd'hui la perspective d'un nouvel afflux de combattants islamistes anti indien au Cachemire, un territoire himalayen divisé pour lequel les deux pays se sont déjà livrés deux guerres.
Ces rebelles viendront notamment d'Afghanistan, où les jours de leur "jihad" contre les soldats de l'Otan sont comptés car ces derniers doivent pour la plupart quitter le pays le pays l'an prochain.
Selon Syed Salahudeen, le chef du Conseil Uni du Jihad (United Jihad Council), une organisation qui fédère des groupes armés combattant l'Inde au Cachemire indien, ils seront "plusieurs milliers".
"Les actions jihadistes au Cachemire indien vont se multiplier lors des prochains mois et années", déclare-t-il à l'AFP à Muzaffarabad, capitale de la partie du Cachemire administrée par le Pakistan.
"Les affrontements entre moudjahidines (jihadistes, ndlr) et forces indiennes vont atteindre un niveau sans précédent" et "les forces indiennes subir d'énormes pertes", affirme-t-il.
Des échanges de tirs le long de la Ligne de Contrôle (LoC), la frontière très militarisée séparent les parties indienne et pakistanaise du Cachemire ont déjà fait 11 morts depuis le 5 août, exacerbant les tensions entre les deux frères ennemis d'Asie du Sud, tous deux pourvus de l'arme nucléaire.
Le Pakistan a nié toute implication dans ces meurtres et le nouveau Premier ministre Nawaz Sharif, qui a promis d'améliorer les relations avec l'Inde, a par la suite appelé au dialogue pour résoudre ce conflit remontant à 1947, date de la partition de l'Empire britannique des Indes qui a donné naissance aux deux pays.
Une douzaine de groupes rebelles ont combattu au Cachemire indien depuis 1989 pour son indépendance ou son rattachement au Pakistan, tuant des dizaines de milliers de personnes, des civils pour la plupart.
A partir du milieu des années 1990, ils ont été rejoints par des jihadistes étrangers, notamment arabes et afghans, et pakistanais pour beaucoup formés au combat en Afghanistan lors du jihad contre les Soviétique des années 1980, un conflit fondateur pour la future Al-Qaïda et soutenu à l'époque logistique ment et financièrement par le Pakistan, les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite.
ci-dessus
Mais les temps ont changé, et les combattants islamistes n'ont pas digéré le ralliement du Pakistan à la politique américaine consécutif aux attentats du 11 septembre 2001. La décennie qui a suivi a vu le divorce entre Islamabad et une partie des ces militants qui ont créé les talibans pakistanais et tué des milliers de personnes par leurs attentats à travers le Pakistan.
Aujourd'hui, les combattants jihadistes affirment qu'ils n'ont plus besoin du soutien clandestin des forces pakistanaises, longtemps accusées de les instrumentaliser pour défendre leurs intérêts face à l'Inde, et qu'ils n'obéissent qu'à eux mêmes.
"Les attaques contre les forces indiennes se sont déjà intensifiées ces trois ou quatre derniers mois... et les trois ou quatre prochaines années vont être très difficiles pour elles", affirme à l'AFP Uzair Ahmed, un combattant du groupe armé jihadiste Hizb-ul-Mujahedeen.
D'autres organisations se chargent de les soutenir, telle la Jamaat-ud-Dawa (JuD), considérée comme une vitrine du Lashkar-e-Taïba (accusé d'avoir perpétré les sanglants attentats de 2008 à Bombay) et comme une organisation terroriste par l'ONU et les Etats-Unis. "Nous les aiderons par tous les moyens, car c'est notre devoir", explique à l'AFP Abdul Aziz Alvi, le chef de la JuD au Cachemire pakistanais.
En janvier dernier, des incidents meurtriers le long de la LoC avaient interrompu le dialogue de paix indo-pakistanais qui venait de reprendre après trois ans d'interruption consécutifs aux attentats de Bombay.
Le dialogue reste donc fragile, et pourrait être menacé en case de multiplication des violences. Selon les autorités indiennes, le nombre de tentatives d’infiltration par la LoC entre janvier et août a doublé cette année par rapport à la même période l'an dernier. Mais "presque toutes" ces tentatives ont échoué, assurent-elles.
New Delhi accuse toujours Islamabad d'aider matériellement ces rebelles, ce dont le Pakistan se défend, même s'ils ne nie pas un soutien moral ou politique.
Le chemin de la paix reste in fine semé d'embûches, aucun des deux gouvernements ne souhaitant être décrit comme faible chez lui s'ils fait des concessions. Certains observateurs, notamment au Pakistan, accusent également les forces armées de nourrir la peur du conflit pour préserver leur forte influence au sein de l'Etat et leurs moyens.