Grâce à leurs provocations et à leurs coups d'éclat médiatiques, les "Dreamers", ces jeunes sans-papiers vivant depuis leur enfance aux Etats-Unis, sont devenus les fers de lance du mouvement en faveur d'une réforme du système américain d'immigration.
Les "Dreamers" sont les "avocats les plus efficaces" en faveur de la réforme du système, un projet relancé par l'administration Obama mais aujourd'hui bloqué au Congrès, pointe le politologue Gary Segura, directeur de la société d'enquêtes d'opinion Latino Decisions.
"Ils ont donné un visage sympathique à leur cause, ils sont très tenaces, et ils sont prêts à défier le système politique", détaille-t-il.
Ces jeunes "rêveurs" --dont le surnom fait référence au Dream Act, un projet de loi de réforme de l'immigration de l'administration Obama n'ayant pas obtenu l'aval du Congrès--, souvent étudiants, ont grandi aux Etats-Unis. Ils y sont pourtant entrés illégalement, quand ils étaient encore de très jeunes enfants, avec leurs parents. Et aujourd'hui, ils ne peuvent ni passer leur permis de conduire, ni ouvrir un compte en banque, ni obtenir une bourse ou travailler légalement.
Originaires pour la plupart d'Amérique latine, certains d'entre eux ne parlent même pas espagnol couramment. Une expulsion est souvent pour eux synonyme de découverte d'un pays et d'une culture qui leur sont totalement inconnus.
En 2011, ils avaient enjoint directement Barack Obama à faire cesser les expulsions et à changer le système migratoire américain. Un an plus tard, l'administration démocrate lançait un programme permettant à des centaines de milliers de jeunes sans-papiers de régulariser leur situation en obtenant un permis de travail de deux ans.
La mesure --une version revisitée du Dream Act-- concerne les immigrés âgés de 15 à 30 ans arrivés sur le territoire américain avant leurs 16 ans, scolarisés ou diplômés, et n'ayant pas d'antécédents judiciaires. Selon des chiffres officiels, quelque 365.000 jeunes ont fait une telle demande. Les "Dreamers", "plus que personne d'autre", peuvent revendiquer cette avancée, juge M. Segura.
Aujourd'hui, face au blocage au Congrès d'un autre projet de loi qui ouvrirait la voie à la régularisation des quelque 11 millions de sans-papiers vivant aux Etats-Unis, leurs actions se multiplient.
Ainsi, en réponse à un républicain qui accusait certains immigrés illégaux d'avoir "des mollets de la taille de melons" parce qu'ils transportent de la drogue à travers le désert en arrivant aux Etats-Unis, ils ont envoyé des centaines de melons aux élus américains.
Une autre image des sans-papiers
Neuf d'entre eux ont aussi récemment passé plus de deux semaines en détention après être entrés depuis le Mexique aux Etats-Unis --toujours illégalement-- pour attirer l'attention sur leur situation. Et début août encore, de nombreux "Dreamers" ont manifesté devant le Congrès --40 personnes, dont quatre sans-papiers ont été brièvement interpellées.
"Le choix d'une stratégie qui les rend très visibles et qui créé la controverse peut les aider à mobiliser (...) et ensuite avoir des conséquences politiques favorables", estime Matthew Ward, spécialiste de l'immigration à la University of Southern Mississippi.
Totalement intégrés à la société américaine, les "Dreamers" ont en outre permis de forger dans l'opinion publique une autre image des sans-papiers. "C'est facile pour les gens de considérer les étrangers sans-papiers comme s'ils étaient extrêmement différents des autres Américains, mais ces jeunes gens veulent juste un permis de conduire et aller à l'université", rappelle Gary Segura.
"Ici, c'est leur pays, c'est comme ça qu'ils le considèrent et ça a un effet très important pour faire bouger les choses dans ce débat", estime quant à elle Maribel Hastings, conseillère d'America's Voice, une association qui lutte pour une réforme de l'immigration.
Adopté au Sénat --majoritairement démocrate--, le projet de loi de l'administration Obama est aujourd'hui bloqué à la Chambre des représentants --contrôlée par ses adversaires républicains.