L'armée américaine connaît une recrudescence d'agressions sexuelles, illustrée par une accumulation de scandales retentissants, une situation qui "mine" la confiance et la réputation du Pentagone a estimé mardi son chef Chuck Hagel.
"C'est l'un des défis les plus sérieux auquel fait face ce ministère. C'est une menace pour la sécurité et le bien-être de nos personnels", a déclaré le chef du Pentagone Chuck Hagel lors d'une conférence de presse, au lendemain de la révélation d'un nouveau scandale impliquant un lieutenant-colonel.
Cet officier de 41 ans a été interpellé en état d'ébriété après avoir "approché une femme sur un parking, et attrapé ses seins et ses fesses", selon la police d'Arlington, dans la banlieue de Washington. Ironie du sort, il était chargé de la prévention contre le viol et les violences sexuelles au sein de l'Air Force.
Le secrétaire à la Défense s'est dit "outré et dégoûté" par ces allégations, tandis que le président Barack Obama a jugé que l'officier devait rendre des comptes et, le cas échéant, être déféré "devant la justice militaire, limogé, dégradé". "Ce n'est pas acceptable, un point c'est tout", a-t-il lancé.
Pour M. Hagel, l'armée américaine "approche peut-être du point où la fréquence de ces crimes et la perception que cela est toléré pourraient bien miner notre capacité à remplir efficacement notre mission ainsi que recruter et garder les gens dont nous avons besoin".
De fait, le nombre d'agressions sexuelles dans les rangs s'est élevé à 3.374 cas en 2012, en augmentation de 6% par rapport à l'année précédente, pointe le Pentagone dans un rapport rendu public mardi. Mais elles sont "loin d'être systématiquement rapportées auprès des autorités", précise-t-il.
Le nombre de personnes disant avoir été victimes de "contact sexuel non sollicité" --un terme fourre-tout allant du geste déplacé à caractère sexuel au viol-- connaît lui un saut de plus d'un tiers, 26.000 femmes et hommes affirmant en avoir été victimes en 2012, contre 19.000 deux ans plus tôt.
En tout, 6,1% des femmes militaires d'active et 1,2% des hommes disent avoir subi des "contacts sexuels non sollicités", selon ce rapport.
Un tiers des affaires sans suite
Sur les 3.374 cas d'agressions sexuelles rapportés en 2012, 816 n'ont donné lieu à aucune suite judiciaire ou disciplinaire à la demande de la victime.
Les 2.558 autres cas concernaient des gestes déplacés à caractère sexuel dans 35% des cas, des agressions sexuelles (28%) et des viols ou tentatives de viols dans 33% des cas.
Quelque 66% des affaires ont abouti à un procès devant une cour martiale ou une "punition non-judiciaire" en fonction de la gravité des faits mais dans un tiers des cas aucune suite n'a pas être donnée en raison d'une insuffisance de preuves ou d'un manque de coopération de la part de la victime.
L'augmentation du nombre d'agressions sexuelles est reflété par plusieurs scandales retentissants qui ont touché le Pentagone ces derniers mois.
Un général de brigade, Jeffrey Sinclair, adjoint du commandant de la 82e division aéroportée, a ainsi été démis de ses fonctions en Afghanistan après avoir été accusé d'agressions sexuelles et de menaces de mort contre une femme.
Sur la base aérienne de Lackland, près de San Antonio, au Texas (sud), une cinquantaine de jeunes militaires ont été victimes d'agressions sexuelles ou de relations "non-professionnelles" avec au moins 23 instructeurs lors de leurs classes.
Pour le chef du Pentagone, les agressions sexuelles constituent "un problème culturel et un problème de commandement". "Ce n'est pas propre à l'armée", a-t-il observé, tout en annonçant des actions pour renforcer la responsabilité des commandants d'unité.
Un jugement partagé par le chef de la majorité démocrate au Sénat. "Il semble que nous devions changer les mentalités dans l'armée", a-t-il déclaré, se disant prêt à étudier une proposition de loi de deux élues, la démocrate Patty Murray et la républicaine Kelly Ayotte, pour renforcer la lutte contre les agressions sexuelles.