La cour suprême indienne a rejeté lundi une demande de brevet du Suisse Novartis pour un traitement anticancer, un soulagement pour les associations qui estiment que cette décision va protéger l'accès à des versions génériques pour les patients pauvres des pays en développement.
Novartis était engagé depuis sept ans dans une bataille judiciaire visant à obtenir la protection d'un brevet pour une nouvelle version de son puissant médicament Glivec, en estimant que la formule avait été significativement améliorée et permettait à l'organisme de mieux l'absorber.
Mais la plus haute juridiction du pays a considéré que la composition rénovée du Glivec, un traitement contre la leucémie, ne remplissait pas les critères de "nouveauté ou de créativité" requis par la loi indienne.
Cette affaire était suivie de près par les groupes pharmaceutiques mondiaux, pour qui la protection des brevets est vitale pour stimuler la recherche et le développement de nouveaux médicaments.
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L'Inde est en outre devenue un marché juteux pour les grands groupes. Le marché pharmaceutique dans ce pays émergent de 1,2 milliard d'habitants devrait représenter un chiffre d'affaires de 74 milliards de dollars en 2020, contre 11 milliards de dollars en 2011.
Les associations, elles, craignaient qu'un feu vert de la cour suprême ne prive les patients pauvres d'un générique bon marché.
Novartis avait déposé en 2006 une demande de brevet pour le Glivec mais elle avait été rejetée par la justice indienne en première instance comme en appel.
Un avocat représentant l'Association indienne d'aide aux malades du cancer, Anand Grover, s'est dit "fou de joie" après la décision rendue par la cour suprême.
"Cela va donner un énorme coup de pouce pour fournir aux pauvres des médicaments à des prix abordables", a-t-il souligné, interrogé devant la cour suprême à New Delhi.
Pratibha Singh, une avocate du géant pharmaceutique indien spécialisé dans les génériques, Cipla, a de son côté estimé que "la décision aura des conséquences pas seulement pour l'Inde mais aussi pour d'autres pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine".
"La décision souligne aussi clairement que l'on ne peut breveter un médicament en ne faisant que quelques modifications mineures", a-t-elle ajouté.
L'Inde délivre les brevets pour des formules datant d'après 1995 ou pour des médicaments améliorés montrant des signes manifestes de plus grande efficacité.
Novartis a menacé de suspendre la fourniture de nouveaux médicaments à l'Inde si la justice ne tranchait pas en sa faveur.
"Si la situation actuelle demeure, à savoir que toutes les améliorations d'une molécule originale ne sont pas protégeables, ces (nouveaux) médicaments ne seront pas commercialisés en Inde", a prévenu Paul Herrling, un responsable de Novartis, cité dimanche par le Financial Times.
Mais Leena Menghaney, conseil juridique de Médecins sans frontières (MSF), estimait de son côté qu'une victoire de Novartis "établirait un dangereux précédent en affaiblissant gravement les lois indiennes contre l'+evergreening+".
La technique dite d'"evergreening" consiste pour les groupes pharmaceutiques à déposer des brevets pour un produit faiblement modifié de façon à en conserver pour des décennies supplémentaires le droit exclusif d'exploitation.
Selon Mme Menghaney, le Glivec est vendu à 4.000 dollars par patient et par mois, alors qu'en Inde la version générique est disponible à moins de 73 dollars.
L'Inde est depuis des années un fournisseur de médicaments génériques à bas coûts dans le traitement du cancer, de la tuberculose et du sida. Le pays n'a pas délivré de brevets jusqu'en 2005, avant de devoir adhérer aux règles de propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).