Deux ans après le tsunami meurtrier qui a ravagé le nord-est du Japon le 11 mars 2011, Toshifumi Kitamura, un photographe de l'AFP, a refait le parcours de l'enfer, est retourné aux mêmes endroits. Ses clichés témoignent de la persistance des blessures mais aussi de la vie qui reprend.
730 jours et 730 nuits après le cauchemar, les cicatrices du séisme et de la vague sont toujours présentes. Visibles et invisibles. Les montagnes de gravats n'ont pas disparu mais ont considérablement diminué dans les zones les plus dévastées.
Le capharnaüm de carcasses tordues de voitures, des charpentes en bois de maisons en charpie, des bateaux plantés au milieu des terres après avoir été soulevés comme des fétus de paille, de filets de pêches déchiquetés, tout cela a disparu.
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Des routes ont été regoudronnées, de nouveaux panneaux indicateurs plantés, des rails tordus comme de simples trombones ont été remplacés.
A Kesennuma, l'une des localités les plus durement touchées, les bruits de la vie sont revenus: celui des petites entreprises de fruits de mer qui ont été reconstruites, des restaurants de sushi, même celui d'un bar à karaoké dans un petit centre commercial en préfabriqué.Dans le centre-ville, les habitants s'activent toujours à reconstruire. La vie semble reprendre.
L'impression est la même dans une autre ville martyre, le petit port d'Ishinomaki. Le marché de poissons a rouvert. Dès l'aube des voix braillent dans l'obscurité: la criée a repris. Tout comme le ballet des pêcheurs qui déchargent leurs prises du jour de leurs bateaux tout neufs.
Les gens semblent avoir retrouvé de l'énergie, surtout ceux qui sont sur les hauteurs. Mais plus près de la côte, il n'y a pas de vie. Du tout.A Otsuchi, au nord de Kesennuma, des montagnes de débris guirlandent toujours la côte. Des squelettes d'immeubles fantomatiques se dressent au milieu de nulle part, mangés par les herbes folles.
"Le fossé entre les zones qui renaissent et le reste saute aux yeux, et à mon avis ça ne va pas s'arranger", dit le photographe Kitamura.
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Certaines localités ont abandonné l'idée de revenir dans les zones où la vague géante a tout fauché, dont près de 19.000 vies, tel un rabot monstrueux.
Les habitants sont montés sur les hauteurs avoisinantes d'où ils peuvent chaque jour contempler le carnage de leurs vies détruites en contrebas.
D'autres ont fait le choix inverse, tout aussi douloureux: tout reconstruire, aux mêmes endroits.
Et puis... Fukushima, symbole du désastre nucléaire engendré par le tsunami.
La zone côtière reste délabrée. Le contraste est saisissant avec d'autres endroits où les gens commencent à revenir.
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Autour de la centrale nucléaire frappée de plein fouet par la vague géante, plus de cent mille habitants ont dû être évacués il y a deux ans, laissant derrière eux une kyrielle de villes fantômes.
Quelques-uns reviennent timidement, mais la grande majorité vivent toujours ailleurs au Japon, très loin de chez eux. Car cela pourrait prendre des dizaines d'années avant que certaines régions irradiées redeviennent habitables.
Ecartelés entre l'envie d'aller de l'avant et la nécessité de ne pas oublier, certaines communes veulent conserver quelque chose, une trace qui rappelle cette heure fatidique, 14H46, où tout a basculé dans l'horreur.
A Rikuzentakata, un "pin miraculé" de 27 mètres, seul survivant des 70.000 qui ourlaient le littoral, a fini par mourir dans l'eau salée mais, "statufié", est devenu un monument du souvenir.
A Kesennuma, c'est un cargo planté à 500 mètres de la côte que la municipalité veut garder pour se rappeler des morts dont beaucoup n'ont jamais été retrouvés. Certains habitants n'en veulent pas. Trop dur.