Au lendemain de la reconduction attendue du président Jacob Zuma à la tête de l'ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, les analystes s'interrogeaient mercredi sur le partage des rôles avec son nouveau second, Cyril Ramaphosa, un homme à poigne qui n'a pas pour habitude de faire de la figuration.
Opposé à son vice-président Kgalema Motlanthe, qu'il a facilement battu avec les trois quarts des voix au congrès du parti mardi à Bloemfontein (centre), le président Zuma s'est trouvé un nouvel adjoint en M. Ramaphosa, un ancien syndicaliste qui s'est brillamment reconverti dans les affaires à la fin des années 1990 après avoir échoué à succéder à Nelson Mandela.
Désavoué par le parti, Kgalema Motlanthe gardera-t-il la vice-présidence du pays ? S'il devait démissionner, Cyril Ramaphosa devrait logiquement lui succéder.
Le millionnaire Ramaphosa - mieux élu que Zuma mardi - réussit le tour de force de rassurer la classe moyenne et les milieux d'affaires tout en restant populaire à la base de l'ANC, un parti aux racines socialisantes.
"Ses 3.018 voix ne sont pas allées à Ramaphosa le grand leader, elles sont allées à l'homme qui doit apporter à Zuma le sérieux et la dignité dont il manque tant", pointe le quotidien Sowetan, rappelant que le président est contesté.
"Il apporte de la crédibilité, une stature intellectuelle, un sens du leadership et plus de charme que tout autre dirigeant de l'ANC", renchérit le quotidien économique Business Day.
Mais "il y a un degré d'incertitude quant au rôle qu'il va jouer", relève l'éditorialiste Allister Sparks, pour qui son élection "n'a de sens que s'il se voit déléguer de larges pouvoirs".
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"Je ne peux croire que quelqu'un qui a du talent, de l'énergie et de l'ambition comme Ramaphosa soit prêt à jouer les plantes vertes dans les bureaux de Zuma", écrit-il.
Et de suggérer un accord : Jacob Zuma devrait céder une bonne partie de son autorité à son nouveau numéro deux, et prendre de la hauteur.
"Plusieurs délégués du congrès de Bloemfontein ont dit et redit que Zuma a 70 ans, est fatigué et personnellement prêt pour la retraite. Il n'a tout simplement pas l'énergie de s'attaquer à la difficile politique sud-africaine et aux questions de gouvernance avec un enthousiasme nouveau", indique Susan Booysen, politologue à l'université du Witwatersrand de Johannesburg.
D'où un scénario en deux temps, selon elle : Acte I, Zuma est reconduit au congrès de Bloemfontein, ce qui est fait. Et "l'acte II, après avoir montré loyauté et respect envers Zuma, consisterait à lui assurer une sortie en douceur et respectueuse avec un successeur crédible".
Ce successeur devrait logiquement être Cyril Ramaphosa, qui, pointent certains analystes, a en outre l'avantage de n'avoir pas besoin du pouvoir pour s'enrichir, sa fortune étant déjà estimée à 3,1 milliards de rands (275 millions d'euros).
Un scénario fréquemment évoqué - par exemple mercredi dans The Sowetan, qui parle de "spéculation informée" - verrait Zuma céder la présidence du pays à Ramaphosa après les élections législatives de 2014, que l'ANC devrait remporter sans problème même si clientélisme, corruption et accusations d'incompétence ont émoussé sa réputation. Zuma garderait le parti.
En attendant, "ce que nous pourrions avoir, c'est un mieux en matière de relations publiques et une voix favorable aux investissements de plus au gouvernement, mais peu de vrai changement sur le terrain", prédit Peter Attard Montalto, analyste chez Nomura.
La tâche est pourtant rude, dix-huit ans après la fin du régime raciste de l'apartheid, alors que le pays a été traumatisé en août par un conflit social extrêmement dur dans les mines qui a vu la police tirer sur des grévistes, faisant 34 morts à Marikana (nord).
Le taux de chômage reste désespérément supérieur à 25%, plus d'un quart de la population a faim et l'éducation est en faillite, tandis que les accusations de corruption s'accumulent contre l'Etat et le parti au pouvoir.