Un mois après la mort de leur ambassadeur dans l'attaque du consulat de Benghazi, les Etats-Unis ont dépêché en Libye un chargé d'affaires expérimenté, signe selon Washington de son engagement auprès de Tripoli qui peine à assurer la sécurité dans le pays.
La nomination annoncée jeudi par le département d'Etat de Laurence Pope, un diplomate à la retraite, intervient au lendemain d'auditions au Congrès convoquées par l'opposition républicaine afin d'examiner les conditions de sécurité et l'évaluation de la menace terroriste à Benghazi avant l'attaque du 11 septembre.
La diplomatie américaine est sous le choc depuis cet attentat contre son consulat dans l'est de la Libye, qui a coûté la vie à l'ambassadeur Christopher Stevens et à trois autres agents américains. La mission consulaire incendiée est depuis fermée et la présence du personnel à l'ambassade à Tripoli a été réduite au minimum.
Mais dès le 12 septembre, le président Barack Obama et sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton avaient assuré que l'attaque n'entamerait en rien "l'amitié" entre les Américains et les Libyens. Washington a été le principal contributeur à l'opération de l'Otan qui a entraîné la chute et la mort du colonel Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011.
La désignation de Laurence Pope, qui est déjà à Tripoli depuis mercredi, "marque l'engagement important des Etats-Unis pour les relations entre nos deux pays et envers le peuple libyen, au moment où (le pays) progresse dans sa transition vers un régime démocratique", a affirmé la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland.
"Augmentation des attaques"
M. Pope, qui a le rang de ministre-conseiller, était membre du corps diplomatique américain de 1969 jusqu'à sa retraite en octobre 2000, après avoir été brièvement nommé ambassadeur des Etats-Unis au Koweït. Cette désignation par le président de l'époque Bill Clinton n'avait cependant jamais été entérinée par le Congrès.
Diplômé de Bowdoin et de Princeton, M. Pope parle arabe et français.
Mme Nuland a laissé entendre qu'il pourrait rester à Tripoli une année, jusqu'à ce que la Maison Blanche le nomme ou non ambassadeur des Etats-Unis en Libye.
Le retour d'un haut diplomate américain dans ce pays survient en pleine tempête politique à Washington à propos de "l'affaire de Benghazi".
A l'approche de la présidentielle du 6 novembre, les républicains reprochent à l'administration démocrate des failles en matière de sécurité et de renseignement avant l'assaut du consulat et brocardent leurs opposants pour avoir tardé à reconnaître qu'il s'agissait d'un "attentat terroriste" impliquant Al-Qaïda.
Jeudi, le candidat républicain Mitt Romeny, en campagne en Caroline du Nord, a lancé une nouvelle attaque sur ce thème à l'encontre du président américain.
"Président Obama, c'est un véritable sujet car c'est la première fois en 33 ans qu'un ambassadeur américain est assassiné (...) c'est un sujet car les Américains se demandent pourquoi vous et votre administration avez mis tant de temps à admettre qu'il s'agissait d'une attaque terroriste", a-t-il déclaré, exigeant des "réponses sérieuses" pour le peuple américain.
Devant la commission du Congrès pilotée mercredi par des élus républicains, deux ex-responsables de la sécurité des postes diplomatiques américains en Libye ont admis que le niveau de sûreté à Benghazi était insuffisant et ont averti qu'Al-Qaïda s'implantait en force en Libye.
L'un d'eux, le colonel Andrew de la Garde nationale, a jugé que la situation sécuritaire ne cessait d'"empirer" depuis le printemps, avec une "augmentation des attaques visant des Occidentaux".
De fait, les autorités libyennes ont du mal à rétablir la sécurité et à asseoir leur autorité dans tout le pays face aux milices armées islamistes qui font la loi depuis la chute du colonel Kadhafi.