La diffusion d'un vidéo islamophobe sur Internet menace le monde musulman d'une nouvelle destabilisation. Les manifestations se multiplient dans le monde entier. Malek Chebel, anthropologue des religions et traducteur du Coran, décrypte le phénomène.
L’embrasement en cours dans le monde musulman est-il comparable à l’affaire des caricatures ?
Dans ses modalités et le process, oui. Je note simplement une différence. Dans le cas présent, nous sommes en présence d'une volonté délibérée d’insulter le Prophète, de nuire à son image. Tout est vulgaire et laid dans cette vidéo. Ce n’était pas la cas pour les caricatures qui procédaient, rappelons-nous, de la liberté de la presse et de la "création".
Quelle est l’intention des auteurs de cette vidéo ?
Dans l’esprit de ceux qui ont conçu cette vidéo, il y a aussi une idéologie de guerre sainte. On cherche à dépouiller l’adversaire de sa dignité, en s’attaquant au Prophète que l’on charge de tous les maux : perversité, pédophilie, violence, etc … C’est la perception que j’ai de cet événement. Les auteurs de la vidéo ont-ils mesuré l’impact de leur action ? Je pense que oui.
Pensez-vous que les événements peuvent dégénérer encore plus gravement ?
C’est demain, après la grande prière du vendredi, que nous pourrons le savoir. Nous verrons ce qui se dira dans les mosquées. Et la position du Pakistan sera observée à la loupe. Mais hélas, on peut vraiment craindre une embrasement généralisé. Il y a deux types de réactions possibles. Soit l’on considère que cette vidéo ne mérite pas de commentaire en raison de sa vulgarité : c’est la posture des élites politiques et intellectuelles. Soit en considère que le Prophète est directement touché et l’on réagit dans l’émotion de manière irrationnelle, voire cataclysmique : c’est le comportement des foules.
Les foules arabes ont-elles été manipulées ?
Tout est possible, car la situation du pays est instable et le nouveau pouvoir est passablement contesté par les islamistes et par certains chefs de tribus, notamment autour de Benghazi. Personnellement, je suis cela d'heure en heure...
Que disent le Coran et la tradition islamique du blasphème ?
La réaction religieuse dépasse la rationalité. Il y a une identification très forte du croyant au Prophète et on ne trouve pas de théorisation du blasphème comme tel dans l’Islam. Dès lors, la part de l’irrationnel est très forte, amplifiée par les phénomènes de foule. C’est de la TNT !
Dernier ouvrage de Malek Chebel :
Le Coran - Dictionnaire encyclopédique du Coran
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