Au cours d'une campagne électorale dominée par l'Europe, le chef de file de l'extrême droite néerlandaise Geert Wilders a troqué son traditionnel discours anti-islam contre une europhobie exacerbée lui permettant de rester à flots dans les sondages.
"Au vu de la crise économique, l'Europe faisait office de thème facile", assure à l'AFP Claes de Vreese, professeur de communication politique à l'université d'Amsterdam, parlant d'"opportunisme" : "la rhétorique est restée la même, c'est juste l'ennemi qui a changé!"
Discours incendiaires, formules lapidaires : l'héritier de Pim Fortuyn, le populiste assassiné en 2002, milite pour que les Pays-Bas abandonnent la monnaie unique, quittent l'Union européenne et l'espace sans passeport Schengen et cessent de contribuer aux aides financières aux pays du sud de l'Europe.
M. Wilders avait d'ailleurs provoqué la chute du gouvernement minoritaire de Mark Rutte, qu'il soutenait avec son parti à la chambre basse du parlement, en claquant la porte de négociations en vue de ramener le déficit public 2013 sous la barre des 3%, la limite en vigueur dans la zone euro.
Le député à la chevelure oxygénée soigneusement coiffée vers l'arrière avait alors refusé d'approuver un budget d'austérité imposé, selon lui, par "les diktats de Bruxelles".
"La perte de souveraineté, le fait de ne plus être le maître dans son propre pays, ce sont des thèmes qui cadrent parfaitement avec son idéologie", explique Bert van den Braak, chercheur en politique à l'université de Leiden (ouest).
"Ce thème lui donne beaucoup plus de chances que s'il était resté sur le débat sur l'islam", poursuit M. Van den Braak : "on connaît ce discours-là, Wilders devait proposer quelque chose de nouveau".
Vivant sous protection policière permanente, Geert Wilders lutte contre ce qu'il appelle "l'islamisation des Pays-Bas", appelant notamment à interdire le Coran et la burqa. Ses déclarations lui avaient d'ailleurs valu un procès pour incitation à la haine lors duquel il avait été relaxé.
Le PVV n'est plus un "partenaire crédible"
Les analystes rappellent toutefois que le Parti pour la Liberté (PVV), créé en 2006, n'était crédité que de 18 sièges lors des sondages précédant les élections du 9 juin 2010. L'extrême droite avait pourtant obtenu 24 sièges, devenant la troisième force politique du pays.
"Les sondages laissent penser que le PVV va rester stable ou enregistrer une légère perte", souligne Claes de Vreese : "ce n'est pas cher payé au vu de la participation du PVV au pouvoir et de la manière dont le gouvernement est tombé à cause d'eux".
Geert Wilders a d'ailleurs opté, selon les analystes, pour la meilleure stratégie possible : faire profil bas le plus longtemps possible et se lancer dans la campagne peu de temps avant les élections.
"Une chose me semble claire, plus personne ne voudra collaborer avec le PVV!", assure toutefois Andre Krouwel, politologue à l'université libre d'Amsterdam : "qu'il obtienne 10 ou 25 sièges de député, il ne jouera absolument aucun rôle lors de la formation du gouvernement".
"Je pense qu'ils ne sont plus vus comme un partenaire crédible au sein de la classe politique néerlandaise", soutient de son côté Claes de Vreese, selon lequel le parti du Premier ministre libéral sortant Mark Rutte perdrait lui aussi "énormément" de crédibilité en s'associant à nouveau au PVV.