Chaleur étouffante, poussière, manque d'électricité et parfois même harcèlement sexuel: les réfugiés syriens qui ont fui les violences dans leur pays sont confrontés à un rude quotidien sous les tentes de l'immense camp jordanien de Zaatari.
"J'ai mal aux yeux et au nez, et aussi à la gorge à cause de la poussière et de la chaleur", se plaint Ziad Younès, 14 ans. "Ma mère a une pneumonie et nous souffrons tous d'allergies", poursuit l'adolescent, arrivé avec sa famille dans ce camp installé par l'ONU dans le nord désertique de la Jordanie.
"Tout est mal organisé ici", insiste Marwane Basti, 38 ans.
Les autorités ont entamé en juillet le transfert des quelque 150.000 Syriens arrivés en Jordanie vers ce camp de 7 km2 proche de la province frontalière de Deraa, une zone rebelle dans le sud de la Syrie. Le camp abrite actuellement quelque 6.000 réfugiés, mais peut théoriquement en accueillir 120.000.
A l'heure de la rupture du jeûne du ramadan, de nombreux réfugiés font la queue pour avoir leur ration: "Si vous n'attendez pas votre tour et n'arrêtez pas de crier, vous n'aurez rien", s'énerve un employé de l'ONU alors qu'un homme se plaint de la lenteur de la distribution.
Observer le jeûne du ramadan sous 40 degrés pendant les interminables journées d'été n'est pas chose facile. "Dieu merci, cette fois-ci je n'ai attendu qu'une demi-heure", se réjouit Fatima Soubeihi, 38 ans, en montrant son sac plastique. A l'intérieur: du pain, une boisson sucrée, de l'eau, du fromage et de la confiture.
"Certains reçoivent cinq portions de nourriture et d'autres ne reçoivent rien. Nos enfants ne peuvent pas supporter cela", déplore M. Basti, 38 ans. "Nous n'avons pas fui la mort et l'humiliation en Syrie pour être humiliés ici, je préfère encore retourner là-bas et y mourir. C'est plus facile et plus rapide", lance-t-il, à bout de nerfs.
"Mon père est toujours à Deraa. J'ai envie d'y retourner et de l'embrasser au lieu d'être humilié ici", se lamente Ziad, l'adolescent malade.
Une grande prison
Lundi, des réfugiés en colère ont essayé de quitter Zaatari pour protester contre les mauvaises conditions de vie dans le camp, et la police anti-émeute a dû intervenir.
"C'est une grande prison. Nous ne sommes pas des animaux", s'emporte Mohammed, 50 ans.
"Il n'y a ni électricité, ni eau, ni téléphone. Nous sommes isolés et je ne peux pas m'enquérir de l'état de mes enfants qui combattent contre le régime en Syrie", se lamente un homme au visage couvert de poussière.
Contrairement aux tentes des réfugiés, les bureaux de l'ONU et des agences humanitaires dans le camp sont reliés au réseau électrique et selon des réfugiés, les employés de ces agences disposent aussi de caravanes climatisées.
Amman a récemment promis que les tentes seraient bientôt remplacées par des caravanes.
Chaque jour, de nombreux Jordaniens viennent apporter de la nourriture, de l'eau, des vêtements aux réfugiés. Mais d'autres visiteurs sont, eux, source d'ennuis.
"Il y a deux jours, un employé a tenté de harceler une femme qui se rendait aux toilettes. Un des proches de la femme l'a frappé. La police est arrivée, elle a emmené l'employé à l'hôpital et a arrêté l'homme", raconte Khaldoun Qaddah, un homme de 25 ans originaire de Homs (centre).
Les récits de harcèlement sexuel se succèdent. Un 4x4 portant une plaque koweïtienne est entré dans le camp pour suivre une femme d'une vingtaine d'années, à qui le chauffeur a essayé de passer un numéro de téléphone alors qu'un passager la photographiait.
"Nous nous sommes plaints aux autorités mais ils n'ont rien fait", déplore-t-elle, avant de s'en prendre au président syrien Bachar al-Assad. "Maudit soit Bachar, qui nous a forcés à venir ici".