"Beaucoup d'ignorance" nourrit la haine contre les sikhs aux Etats-Unis, qui sont souvent confondus avec des musulmans radicaux à la seule vue de leur barbe et de leur turban, dénoncent les membres de cette communauté à New York.
La communauté religieuse est encore sous le choc de la fusillade de dimanche à Oak Creek dans le Wisconsin (nord) perpétrée par un ancien soldat proche des milieux néonazis et qui a tué six membres d'entre elle avant de se tirer une balle dans la tête.
L'association Sikh Coalition basée à New York a appelé à une veillée mercredi soir dans tout le pays en mémoire des victimes.
"Le plus effrayant, c'est que ça s'est passé dans un gurdwara (temple, ndlr). Cela prend une autre dimension", affirme à l'AFP Amanjot Sidhu, 24 ans, étudiant en médecine dentaire à New York.
M. Sidhu a accompagné son père, Balwinder Sidhu, dans un temple du quartier sikh de Richmond Hill à New York, dans la banlieue de Queens.
Des femmes vêtues de robes couleur pastel psalmodient dans la grande salle, pendant que des équipes de bénévoles dans la cantine servent aux fidèles, assis sur des tapis, du thé épicé et d'appétissants plats traditionnels.
Les discussions tournent vite autour du carnage de dimanche. Bien qu'issus d'une culture différente, les sikhs disent subir la même intolérance que les musulmans américains, notamment depuis le 11-Septembre et la guerre en Afghanistan contre les talibans, qui portent eux aussi un turban.
"Les gens ne comprennent pas qui nous sommes. Ils pensent que nous sommes musulmans ou talibans. Nous ne sommes ni l'un ni l'autre", rappelle Balwinder Sidhu, 57 ans, chauffeur de taxi à la retraite.
"Cela tient beaucoup à l'ignorance. Les gens pensent que comme on a des turbans on doit être islamiste", ajoute sa fille. "Alors que ça prend deux secondes sur internet" pour faire la différence.
Les enfants ont peint dans le temple des affiches qui montrent les cinq "K", les signes religieux portés par les sikhs, comme le "kara", le bracelet qui symbolise le courage, ou le "kesh", les cheveux non coupés enveloppés par le turban.
Singhara Singh, chauffeur de taxi, se souvient que les sikhs avaient déjà été pris pour cible en 1979, lors de la prise d'otages américains en Iran, un pays où les religieux portent également barbe et turban.
"Les gens entraient dans le taxi et en ressortaient" quand ils voyaient le conducteur, témoigne-t-il.
Les sikhs aux Etats-Unis sont ainsi associés aux conflits du Proche-Orient alors que leur religion vient de la région du Pendjab, dans le nord de l'Inde.
Ils ont certes une longue tradition guerrière, mais leurs temples sont des lieux très accessibles conforme à une tradition d'accueil ancestrale.
Ce dont a pu profiter le tueur du Wisconsin, admet Amanjot Sidhu: "Personne ne faisait attention. Il n'y avait pas de gardiens et personne ne surveillait à l'entrée".
Au salon de coiffure près du temple, des clients compatissent avec leurs voisins sikhs. "Après le 11-Septembre, dix ou quinze personnes ont été agressées. Des gens sont venus ici pour se faire couper les cheveux et enlever leur turban parce qu'ils avaient peur", raconte Alex Kimygarov, immigré ouzbèque et client du salon.
Le patron du salon Hugo Revottaro, un immigré argentin, explique lui qu'il adore les sikhs, même s'ils ne lui apportent pas beaucoup de clients avec leurs longs cheveux. Selon lui, "la télévision devrait diffuser des émissions sur les religions parce que beaucoup de gens ne font pas de différence" entre elles.