Le Premier ministre syrien Riad Hijab a fait défection lundi et rejoint l'opposition, devenant le plus haut responsable à rompre avec le régime du président Bachar al-Assad en 16 mois de conflit en Syrie, où des combats sanglants continuent de faire rage.
L'armée a bombardé sans relâche les quartiers rebelles à Alep (nord), et des combats entre insurgés et soldats avaient lieu dans d'autres régions du pays où 137 personnes ont encore péri -82 civils (dont 18 à Alep), 39 soldats et 16 rebelles-, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Voir la vidéo.
Face à l'escalade, les défections ont touché la tête du gouvernement, même si la gestion de la crise est du ressort du clan rapproché de M. Assad.
Riad Hijab, un sunnite nommé Premier ministre il y a deux mois par le président de confession alaouite, a fait défection avec sa famille en Jordanie en raison des "crimes de guerre et de génocide" commis par le régime, a annoncé son porte-parole à Amman, Mohamed Otri.
Le ministre syrien de l'Information Omrane al-Zohbi a confirmé implicitement la défection mais en a minimisé l'impact. Il a démenti la défection d'autres membres du gouvernement, après l'annonce de la fuite de deux ministres non identifiés par l'opposition syrienne.
Selon la télévision d'Etat, Riad Hijab, qui fut un fidèle du régime, a été démis de ses fonctions et Omar Ghalawanji, vice-Premier ministre, a été désigné pour "expédier les affaires courantes".
Après cette défection, le chef du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition, Abdel Basset Sayda, a estimé que "le régime se désagrège".
Et les Etats-Unis ont parlé d'une "nouvelle indication du fait qu'Assad a perdu le contrôle de la Syrie".
Défections de généraux
Dans la rue, c'est la surprise qui domine. "C'est une perte pour le pays", a estimé Rana, une employée de 45 ans rencontrée à Damas. Pour Mohammed, un commerçant à Damas, "le régime se désagrège". "Il y aura d'autres défections", prédit-il.
M. Hijab devrait s'installer au Qatar qui accueille déjà plusieurs hauts responsables civils ayant fait défection, selon son porte-parole.
D'après un membre du CNS, Khaled Zein el-Adibine, la défection de M. Hijab a été coordonnée par l'opposition, "l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles) les ayant aidés à passer la frontière".
Cette défection est la plus importante parmi les responsables du régime Assad depuis le début en mars 2011 de la révolte populaire qui s'est transformée en insurrection armée face à la répression sanglante menée par le pouvoir.
Des proches du régime, des diplomates et de nombreux généraux ont fait défection ces 16 derniers mois.
Un général de l'armée, accompagné de cinq officiers et d'une trentaine de soldats, est encore arrivé en Turquie pour rejoindre l'opposition, selon l'agence Anatolie, ce qui porte à 31 le nombre de généraux ayant fui en Turquie.
Dimanche, trois officiers des renseignements politiques à Damas, dont deux frères issus du clan du vice-président sunnite Farouk al-Chareh, avaient trouvé refuge en Jordanie, selon Kassem Saad Eddine, porte-parole de l'ASL en Syrie.
Violences sans répit
Entretemps les violences ne connaissaient pas de répit.
A Damas, un attentat à la bombe a visé le siège de la radio-télévision d'Etat faisant des blessés légers mais sans perturber la poursuite des programmes.
Pour autant, cette attaque a une forte portée symbolique puisqu'elle a visé le principal outil d'information du régime, de surcroît dans un quartier ultra-protégé de la capitale que l'armée avait affirmé contrôler totalement.
Mais selon l'OSDH, des combats continuaient à Roukneddine dans le nord de Damas, de même que dans la localité de Harasta, dans la province de Damas, soumise à de violents bombardements et où des affrontements entre soldats et déserteurs faisaient rage.
Une brigade de la rébellion armée qui a revendiqué le rapt de 48 Iraniens samedi en Syrie a affirmé que trois des otages ont été tués dans le pilonnage de la province de Damas.
A Alep, poumon économique du pays, l'armée a bombardé à l'artillerie lourde plusieurs quartiers, a précisé cette ONG basée en Grande-Bretagne et qui tire ses informations et bilans d'un réseau de militants et de témoins. Des combats avaient aussi lieu dans les quartiers Chaar et Hanana.
Wassel Ayoub, un capitaine rebelle dans le quartier de Salaheddine (ouest), a affirmé que des soldats et des francs-tireurs protégés par un char avaient réussi à s'emparer de sept ou huit bâtiments et contrôlaient deux artères.
Des bombardements ont aussi visé la province d'Idleb (nord-ouest).
Le chef de la mission de l'ONU en Syrie (Misnus), le général Babacar Gaye, se disant "extrêmement inquiet", a appelé les protagonistes à protéger les civils à Alep et à respecter les lois humanitaires.
En raison de l'intensité des combats, les observateurs de la Misnus qui étaient stationnés à Alep ont quitté cette ville du nord du pays. La vingtaine d'observateurs basés à Alep ont été rapatriés au cours du week-end vers Damas, où se trouve le quartier général de la Misnus, a indiqué lundi l'ONU.
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius doit se rendre le 15 août en Jordanie ainsi que dans d'autres pays de la région, au moment où la France cherche à contribuer à l'aide humanitaire et oeuvre en vue d'une transition en Syrie.