L'aura du secteur privé serait-elle en train de pâlir au pays de Margaret Thatcher ? Les critiques pleuvent sur la sous-traitance au privé de missions publiques après la défection d'une société privée chargée d'assurer une partie de la sécurité des jeux Olympiques.
Le gouvernement a dû mobiliser en catastrophe 3.500 soldats et plusieurs centaines de policiers supplémentaires pour pallier la défaillance de G4S, incapable de fournir l'intégralité des 10.400 vigiles qu'elle s'était engagée à recruter pour les JO.
Le patron de la société, un géant des services coté au London Stock Exchange, devait s'expliquer devant les députés mardi.
Lundi, la ministre de l'Intérieur Teresa May a été obligée de convenir qu'elle ne savait pas précisément combien de gardes privés seraient finalement mobilisés et l'opposition dénonce une "pagaille géante".
De quoi jeter une ombre sur "l'opération de sécurité la plus importante mise sur pied dans le pays depuis la seconde guerre mondiale", selon les mots du gouvernement.
"Les conservateurs ne devraient jamais faire l'erreur de tomber amoureux de l'entreprise privée", commente dans le Times William Waldegrave, principal d'Eton College et ancien membre du gouvernement conservateur de John Major (1990-1997).
Si Margaret Thatcher avait "remis à sa place un Etat qui s'était égaré" loin de ses missions, "nous risquons aujourd'hui un déséquilibre dans l'autre sens", juge-t-il.
"On peut faire confiance à la libre entreprise pour vendre des voitures, mais l'Etat est le protecteur des faibles", assure-t-il.
Etat protecteur ou défenseur de la libre entreprise ? Les deux tendances ont toujours existé au sein des "Tories", mais le libéralisme des années Thatcher semblait l'avoir largement emporté depuis 30 ans.
Au delà de la sécurité des JO, des pans entiers des services publics britanniques sont sous-traités. Jamais depuis les années Thatcher les contrats passés au privé n'avaient atteint de tels sommets, relève le Guardian, avec 4 milliards de livres de contrats potentiels cette année, dans tous les secteurs, de la justice à la défense et à la gestion des retraites.
Le privé gère la vie quotidienne des Britanniques "du berceau à la tombe", constate le Financial Times.
La faillite il y a un an du plus gros opérateur privé de maisons de retraite, Southern Cross, avait déjà ébranlé la confiance dans la capacité du privé à gérer des services publics.
Le programme de coupes budgétaires lancé par le gouvernement Cameron a accéléré le processus: à la recherche désespérée d'économies, les organismes publics, dont les ressources doivent baisser de 20% en moyenne sur cinq ans, multiplient les contrats avec le privé.
Les services de police des West Midlands (centre) et du Surrey (près de Londres) avaient ainsi prévu de déléguer au privé certaines tâches. Ils ont annoncé juste après la défection de G4S avoir suspendu le processus.
Jusqu'aux pompiers de Londres qui ont confié au privé la gestion des appels d'urgence via le célèbre "999".
Pour l'éditorialiste de l'Evening Standard, le "fiasco" de l'affaire G4S devrait pousser le gouvernement à "revoir toute sa politique de sous-traitance des questions de police et de sécurité". D'autant que ces firmes privées emploient pour la plupart d'anciens soldats.
Or l'armée doit supprimer 20% de ses effectifs d'ici 2020, ramenant les effectifs des forces armées britanniques au plus bas depuis le début du 19e siècle.
"Supprimer des emplois publics, pour ensuite confier la tâche à accomplir à des sous-traitants qui emploient d'ex-soldats n'est pas seulement discutable, cela montre une vision à courte-vue de notre sécurité", lance le journal.