Le succès de la lutte contre les cartels de la drogue au Mexique dépendra plus d'une réforme en profondeur du système judiciaire et policier que d'une augmentation des moyens et des effectifs des forces de sécurité, selon des analystes.
Le prochain président mexicain, Enrique Peña Nieto, va hériter le 1er décembre prochain d'une situation de guerre intérieure léguée par son prédécesseur Felipe Calderon.
On compte plus de 50.000 morts en cinq ans dans des violences liées aux cartels de la drogue, avec un degré de barbarie jamais atteint auparavant: décapitations par dizaines, corps démembrés jetés au bord des routes, charniers massifs.
M. Peña Nieto s'est fixé comme priorité durant sa campagne électorale la baisse de cette violence, tout en assurant qu'il poursuivra la lutte engagée par son prédécesseur.
L'effet corrupteur des narcotrafiquants
Mais son Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui a dirigé le Mexique pendant 71 ans a longtemps été soupçonné d'entretenir des liens avec les chefs des cartels, notamment au niveau des autorités locales.
"Il n'y a pas de preuve d'accords explicites entre les gouverneurs et les chef de la drogue pour maintenir la paix", souligne Edgardo Buscaglia, de l'Université nationale autonome du Mexique (Unam).
"Toutefois, il y a beaucoup de preuves de leur infiltration dans les campagnes politiques et dans tous les partis politiques. Et puisque le PRI a des gouverneurs dans la majorité des Etats, il y a plus d'infiltration dans des autorités locales dirigées par le PRI".
Selon le spécialiste, "les hommes politiques au niveau local et au niveau des Etats cherchent des appuis sans poser trop de question". Et la corruption finit souvent par atteindre les forces de police.
L'exemple à suivre, selon lui, est celui de la Colombie où la purge de la police dans les années 90 a été un succès.
M. Peña Nieto semble partager ce point de vue puisqu'il va faire appel à l'ancien chef de la police colombienne, le général Oscar Naranjo, comme "conseiller extérieur" pour mettre au point sa politique de sécurité.
Maillon faible: le système judiciaire
Selon les experts, il faut également viser une réforme du système judiciaire, maillon faible de la lutte antidrogue: "Les procureurs dépendent des gouverneurs. C'est un système féodal", selon M. Buscaglia.
Guadalupe Correa-Cabrera, de l'Université du Texas, souligne que "sous l'administration Calderon aucun dirigeant de haut niveau n'a été tenu pour responsable de la corruption".
L'Etat du Tamaulipas (nord-est), bastion du groupe criminel des Zetas, elle l'exemple typique de "narco-Etat" mexicain.
Les autorités judiciaires enquêtent sur trois ex-gouverneurs de cette Etat, tous du PRI, accusés d'être impliqués dans le trafic de drogue et le blanchiment d'argent.
L'un d'entre eux, Tomas Yarrington, est accusé par les autorités américaines d'avoir "acquis des millions de dollars durant son mandat versés par de grandes organisations de trafic de drogue opérant dans et de l'Etat mexicain du Tamaulipas, ainsi que de différentes opérations de racket et de corruption".
M. Yarrington a proclamé son innocence par le canal de ses avocats.
A Veracruz, dans le sud-est, les Zetas ont infiltré la police municipale et le gang rival du cartel de Sinaloa la police de l'Etat. La vague de violences dans cet Etat a conduit M. Calderon a confier la charge de la sécurité à la Marine.
Selon Raul Benitez-Manaut, de l'Unam, "le point principal de pression, c'est le budget", les Etats mexicains dépendant en grande partie des subventions de l'Etat fédéral.
Mais demande Mme Correa-Cabrera: "Comment allez-vous résoudre le problème avec des autorités locales ayant des liens avec le crime organisé ?".
"La violence ne sera pas résolue en un jour ou avec des pactes, cela commence par des réformes institutionnelles et des sanctions exemplaires contre la corruption", estime-t-elle.