L'implacable général serbe de Bosnie Ratko Mladic répond mercredi pour génocide devant le TPIY. Mais dans les Balkans ravagés par les conflits des années 1990, ses troupes et leurs anciens ennemis mènent désormais un autre combat, celui pour la paix et la réconciliation.
Réunis récemment à Sarajevo sous le mot d'ordre "En première ligne durant la guerre, en première ligne pour la paix", des représentants de trois organisations d'anciens combattants -une de Serbie, une de Bosnie et une de Croatie qui regroupent environ 25.000 membres - affirment oeuvrer pour éviter à jamais les horreurs du passé.
Les conflits dans l'ex-Yougoslavie ont fait plus de 130.000 morts et plus de trois millions de réfugiés ou de personnes déplacées.
"Tout ce qui s'est passé était une énorme bêtise. Nous avons tous beaucoup perdu", reconnaît le président d'une association bosnienne d'anciens combattants, Narcis Misanovic.
Résumant l'opinion générale, Narcis explique: "Nous pouvons utiliser notre statut de héros, chacun auprès de nos concitoyens, pour éviter à nos enfants et aux générations futures de vivre ce que nous avons vécu".
Timides, ils ont réussi à briser les préjugés en établissant des contacts sporadiques il y a quelques années via une ONG locale, avant de réaliser récemment qu'ils n'ont plus besoin d'être chaperonnés.
Loin des projecteurs des médias, accueillie par le restaurant Knez dans la partie serbe de Sarajevo, la réunion se déroule dans une ambiance joviale.
"Ljuban et moi, on a tiré l'un sur l'autre en Slavonie, pendant la guerre" de Croatie (1991-95), dit le Croate Djuro Pejak, en pointant vers son désormais-camarade serbe, Ljuban Volas, qui sourit en signe de confirmation.
"On était sur la même ligne de front et maintenant on est assis autour de la même table", poursuit-il.
Zeljko Vukelic, président de l'association serbe, explique ce qui unit les participants: "Nous avons tous été des soldats honnêtes (...) nous n'avons pas fait la guerre pour violer, piller ou abuser. C'est pour cela que je peux parler aux gens à Zagreb, à Sarajevo ou ailleurs", souligne-t-il.
Zeljko dit espérer que le procès de Ratko Mladic, inculpé de génocide pour son rôle dans le conflit bosnien (1992-95) contribuera à la réconciliation.
"Je m'attends à ce que la vérité soit établie quel que soit le verdict, même s'il est douloureux" pour ceux des Serbes qui considèrent encore Mladic comme un héros, ajoute-t-il.
Le réseau prévoit la mise en oeuvre d'ateliers où les ex-combattants pourraient parler de leurs expériences surtout aux jeunes, qui ont grandi entourés d'histoires de haine et d'intolérance.
"Nous, nous sommes tous devenus amis et on se rend visite", assure Zeljko.
"Nous parlons de la guerre aussi et de ce qui s'y est passé. Il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas être d'accord, mais nous continuons, c'est ça la tolérance", ajoute-t-il.
Les anciens combattants comptent également rassembler des informations pour aider les autorités à élucider le sort des quelque 10.000 personnes toujours portées disparues.
Mais le manque d'argent fait obstacle au développement de leur mouvement, les autorités faisant la sourde oreille à leurs demandes de soutien.
"Il n'existe pas une vraie volonté politique pour la réconciliation dans la région. Les hommes politiques ne le font qu'au niveau déclaratif car ils sont poussés par la communauté internationale", déplore Narcis.
Les membres du réseau sont néanmoins résolus à continuer. Le prochain rendez-vous est prévu en Croatie "lorsqu'on réussira à réunir l'argent nécessaire pour la logistique", explique Zeljko.