A l'occasion de leur premier anniversaire, les indignés, surgis l'an dernier en Espagne pour dénoncer la crise, la corruption et le chômage, s'apprêtent à redescendre dans les rues samedi et contredire ainsi ceux qui prétendent qu'ils ont disparu.
A Madrid, les indignés devaient converger samedi soir, en plusieurs colonnes venues des quatre coins de la ville, vers la Puerta del Sol, pour un retour symbolique sur cette place qui a vu naître leur mouvement, le 15 mai 2011.
Pendant quatre jours, ils ont l'intention d'y tenir une "assemblée permanente", défiant l'interdiction officielle selon laquelle les manifestations devront prendre fin chaque soir à 22h00.
C'est sur la Puerta del Sol que s'était installé il y a un an le campement des indignés, avant de faire des émules dans le monde entier.
Pendant un mois, cet amas de tentes et de bâches était devenu le symbole d'un ras-le-bol qui avait surpris un pays où, malgré la crise, le mécontentement s'était jusque là peu exprimé.
Mais le gouvernement de droite, arrivé au pouvoir dans l'intervalle, a cette fois affiché sa fermeté, déclarant "illégale" toute tentative d'installer un nouveau campement.
"Des limites horaires ont été fixées. Au-delà, ces rassemblements ne sont pas autorisés", a souligné vendredi la porte-parole du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria.
"Au-delà de ces horaires, la loi serait enfreinte et donc les droits des autres citoyens, et, bien sûr, le gouvernement fera en sorte que la loi soit respectée", a-t-elle ajouté.
Sous les slogans "Prends la rue", "Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers", d'autres manifestations étaient convoquées samedi dans environ 80 villes du pays, dont Barcelone.
Quelques indignés ont commencé à se rassembler samedi matin dans la capitale catalane, sur la Plaza de Catalunya. Pendant ce temps à Madrid, les premiers marcheurs de la "colonne sud" quittaient Leganes, une banlieue sud de la ville.
L'ampleur que prendra la mobilisation est incertaine, au moment où le chômage frappe un actif sur quatre (24,4%) et où le gouvernement met en oeuvre une politique d'austérité sans précédent.
Un terrain fertile, a priori, pour que l'anniversaire du mouvement soit un succès. Mais à la différence d'il y a un an, les rues d'Espagne sont envahies presque chaque semaine par les manifestations convoquées par les syndicats contre la rigueur.
Les indignés pourraient être noyés dans ce flot de mobilisations, d'autant qu'ils ont largement perdu en visibilité.
Répondant à une structure horizontale, refusant de se constituer en parti, ils n'ont pas su "structurer un mécontentement sans idéologie concrète", analyse Antonio Alaminos, professeur de sociologie à l'Université d'Alicante.
"Résultat: beaucoup de petits groupes relativement déconnectés entre eux qui ne forment plus un mouvement social", ajoute-t-il.
"Le mouvement est toujours là mais il n'est plus dans la rue: il est sur l'internet, sur les réseaux sociaux", explique Noelia Moreno, une chômeuse de 30 ans qui a participé au campement l'an dernier.
"N'étant pas un parti politique, ils n'avaient pas de limites dans leurs rêves, mais ceci est une arme à double tranchant", remarque le sociologue Fermin Bouza.
Pour lui, le mouvement "oscille entre deux extrêmes, les utopiques et les pragmatiques", qui devraient "s'entendre pour constituer un mouvement solide, capable de retrouver une certaine popularité et être utile à tous".
Les indignés affichent toutefois une réussite concrète: avoir insufflé une nouvelle force à la Plateforme contre les expulsions (PAH), qui lutte depuis 2009 contre les saisies d'appartements de familles surendettées.
Symboles de la crise, ces saisies ont été bloquées ou retardées à des dizaines d'occasions sous la pression des militants.