En Afrique du Sud, deux systèmes légaux se superposent : le droit commun ne permet qu'un mariage et le droit coutumier autorise la polygamie. En matière sentimentale, Jacob Zuma, le président sud-africain, est plutôt un adepte du droit coutumier. Ce week-end, le chef d'état polygame âgé de 70 ans va en effet se marier pour la quatrième fois.
En épousant samedi 21 avril Jacob Zuma, Bongi Ngema ne va pas devenir la Première Dame d'Afrique du Sud, mais plutôt la Quatrième Dame puisqu'il va lui falloir composer avec les autres épouses de son mari, qui accompagnent tour à tour le président sud-africain lors de ses visites et cérémonies officielles. Cette femme d'affaires, née à Durban, est titulaire de plusieurs diplômes, notamment de gestion. Impossible de savoir officiellement son âge, ni celui du fils qu'elle a eu avec M. Zuma : la présidence reste avare de détail biographique sur les épouses et la progéniture présidentielle, se retranchant derrière le droit à la vie privée. On en sait d'ailleurs guère plus sur les trois auters femmes du président. La première, Sizakele Khumalo, que M. Zuma connaît depuis 50 ans et qu'il a épousé en 1973, n'a pas d'enfant et mène une vie de discrète femme au foyer à Nkandla, le village natal zoulou du président. Elle partage son rôle de représentation avec Nompumelelo Ntuli, qui approche de la quarantaine et que M. Zuma a épousé en 2008 lors d'une cérémonie haute en couleurs, rehaussée par des danses en tenue traditionnelle en peaux de léopard. La troisième co-épouse s'appelle Tobeka Madiba. M. Zuma, son aîné d'environ 30 ans, l'a épousé en janvier 2010 mais elle était déjà présente à ses côtés en mai 2009 lors de sa prestation de serment. Ce mariage a fait polémique, car M. Zuma a eu, trois mois plus tard, un enfant d'une autre relation, extra-maritale cette fois. Il a dû s'excuser auprès du pays pour "la peine causée".
Toutes les épouses ont un statut de Première Dame
Si la Constitution sud-africaine ne leur définit formellement aucun statut, ni obligation, ni responsabilité, ni rémunération, les épouses du président sont amenées à le soutenir dans l'exercice de sa fonction, si nécessaire. A ce titre, elles ont donc droit à un soutien administratif et logistique qualifié de "raisonnable" par la présidence, incluant secrétariat et transports. Jacob Zuma, élu en 2009, étant le premier président polygame d'Afrique du Sud, le protocole se décide chemin faisant. Pour les déplacements à l'étranger, les épouses alternent au bras de leur président de mari. En 2011, la nouvelle Mme Zuma, Bongi Ngema, ayant rang de co-épouse depuis ses fiançailles et le versement de la dot, s'est ainsi rendue en France ou en Corée du Sud. Elle fait aussi déjà usage du nom de famille présidentiel à la tête de sa fondation contre le diabète, la "Bongi Ngema-Zuma Foundation" créée en 2010. Pour les événements les plus importants, la règle protocolaire informelle veut que les quatre "Premières Dames" soient présentes, la place d'honneur allant à Sizakele Khumalo, la première épouse.
Quatre épouses, un divorce, un veuvage et 21 enfants...
En plus de ses quatre épouses actuelles, Jacob Zuma a également été marié à l'ancienne ministre des Affaires étrangères Nkosazana Dlamini-Zuma, jusqu'à leur divorce en 1998. Le couple reste en bons termes et le président l'a d'ailleurs nommée ministre de l'Intérieur de son gouvernement, sans doute pour la remercier de ses bons et loyaux services d'ex-femme. Le chef de l'Etat est également veuf de Kate Mantsho-Zuma, qui s'est suicidée en 2000. On lui connaît par ailleurs 21 enfants qu'il a reconnu, mais qui ne sont pas tous nés de ses unions conjugales.
Un mariage qui ne fait pas rire les Sud-Africains
En Afrique du Sud, l'annonce de ce nouveau mariage, le troisième en quatre ans, fait plutôt grincer des dents. Cette union a été accueillie sans enthousiasme par une opinion publique de plus en plus désenchantée. Les frasques et le train de vie du chef de l'état ne font plus rigoler personne dans un pays où 40% de la population vit dans une pauvreté indigne des espoirs soulevés il y a dix-huit par le renversement du régime de l'apartheid. Le mariage a été annoncé par la presse avec des titres ironiques tels que "Zuma va se marier -encore!", "Espérons que ce soit le dernier". "Le plus gros problème avec ses mariages est que le contribuable paye une partie des dépenses", a critiqué un éditorialiste du quotidien noir The Sowetan, tout en dénonçant le message "peu exemplaire" envoyé en matière de moeurs, dans un pays où la sexualité à partenaires multiples a fait le lit du sida. La présidence a tenté d'éteindre la polémique avec un communiqué certifiant que M. Zuma paierait la fête de sa poche et que sa quatrième épouse ne serait pas logée par l'Etat. Il n'empêche que la réalité est toute autre : le budget alloué aux épouses du président a quasiment doublé l'année qui a suivi l'arrivée au pouvoir de M. Zuma en 2009, atteignant deux millions de dollars, selon des chiffres publiées par la Présidence.