Les accusations visant la police se multiplient en Russie, avec une trentaine de plaintes recensées mardi pour la seule ville de Kazan où un homme est mort début mars après un viol en garde à vue, des ONG révélant d'autres cas de violences un peu partout dans le pays.
"Au cours des dernières 24 heures, 28 plaintes de citoyens ont été enregistrées concernant des actes illégaux commis par la police de Kazan", indique un communiqué du Comité d'enquête russe, organe en charge des investigations criminelles.
Le comité a aussi annoncé l'arrestation de deux policiers du commissariat Dalny de Kazan (700 km à l'est de Moscou) pour des violences en octobre 2011 contre Oskar Krylov, une jeune homme qui accuse les forces de l'ordre de l'avoir violé avec une bouteille et d'avoir étouffé sa plainte.
C'est dans ce même poste que Sergueï Nazarov, 52 ans, a été sodomisé avec une bouteille de champagne, avant de mourir le 10 mars d'une rupture intestinale.
Les violences policières sont connues en Russie, mais l'affaire a fait grand bruit dans le pays, par la cruauté des faits et dans un climat de contestation sans précédent contre le régime de Vladimir Poutine.
Au moins trois plaintes ont été déposées dans le même commissariat Dalny.
Au total, avec les arrestations annoncées mardi, dont celle de l'un des chefs du poste de police, Aïnour Rakhmatoulline, ce sont sept policiers qui ont été arrêtés pour des violences dont le but aurait été de faire avouer des vols.
Une enquête sur le décès d'un étudiant en 2008 dans un autre commissariat de Kazan a aussi été relancée.
Des ONG de défense des droits de l'Homme, qui dénoncent de longue date les mauvais traitements voire la torture dans la police russe, ont dénoncé plusieurs autres cas de violences policières dans d'autres régions de Russie.
L'organisation Memorial a révélé mardi qu'un Daguestanais, Farid Eldarov, était détenu depuis le 8 mars par la police de la région de Moscou où il a été passé à tabac, étranglé, menacé de viol et où des ongles lui ont été arrachés.
Le jeune homme d'une vingtaine d'années, né en 1988, a été arrêté avec un ami chez qui il se trouvait lorsqu'un groupe d'une trentaine de policiers a fait irruption, selon l'ONG.
Conduit dans un commissariat de la banlieue de la capitale, il a été frappé pour qu'il donne "des informations sur Ramzan", son ami, lui aussi originaire du Caucase russe et soupçonné de lien avec des rebelles islamistes.
"Ils lui ont arraché la moitié des ongles des doigts. Puis, ils lui ont passé un noeud autour du cou et l'ont fixé au mur à hauteur d'homme pour qu'à chaque mouvement il s'étrangle", explique Mémorial, qui a recueilli le témoignage du jeune homme.
D'autres ONG enquêtent sur le cas de Petr Farber, 18 ans, qui dans une lettre publiée le 22 février par le journal d'opposition Novaïa Gazeta a raconté avoir été battu par des agents du FSB (service de sécurité intérieur, ex-KGB) de la région de Tver (160km au Nord Ouest de Moscou).
Selon lui, ces mauvais traitements visaient à le faire témoigner contre son père, accusé de corruption.
En janvier, c'est un adolescent de 15 ans qui était mort après avoir été frappé à coups de manche à balai dans un commissariat de Saint-Petersbourg. Deux policiers ont été arrêtés.
Selon la fondation Jugement citoyen, ces pratiques s'expliquent par "la psychologie des agents et l'absence de contrôle" mais aussi par le fait que chaque commissariat doit remplir des objectifs fixés par la hiérarchie dans la lutte contre la criminalité.
"La torture est l'un des moyens utilisé pour atteindre les résultats prévus", explique l'ONG dans un article publié lundi.